Québec, le 24 avril. (CMAQ) " Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'on me refuse ma libération conditionnelle et que je sois obligé de rester en prison jusqu'à mon procès; ce serait débile, injuste! " a affirmé le militant anarchiste bien connu Jaggi Singh au cours d'une entrevue accordée au CMAQ à partir de la prison d'Orsainville où il est incarcéré depuis le samedi 20 avril. L'anticapitaliste originaire de Toronto se porte bien, malgré les douleurs causées par les séquelles de son arrestation musclée. Il a bien hâte d'être libre parce que, dit-il, beaucoup de travail l'attend.
D'entrée de jeu, Jaggi Singh s'inquiète que l'on ne se préoccupe que de son cas en raison de sa notoriété et que les journalistes oublient les autres arrêtés de la fin de semaine. " J'ai rencontré plein de gens extraordinaires à Orsinville, et je ne parle pas des gardiens, dit-il pince-sans-rire. Je suis très fier d'être ici avec autant de personnes qui connaissent bien les enjeux de la mondialisation capitaliste. "
"Je tiens également à faire savoir que les personnes arrêtées apprécient énormément le travail du comité légal, les vigiles et tout le travail qui se fait à l'extérieur. "
Jaggi Singh a été littéralement enlevé le samedi 20 avril par des agents du service de police de la ville de Québec. Ces derniers étaient déguisés en manifestants et se sont saisis de M. Singh sur la rue Saint-Jean. De nombreux témoins de l'arrestation l'ont décrite comme très violente. Le principal intéressé affirme avoir été frappé à coups de matraque à trois reprises une fois à l'intérieur de la camionette banalisée des policiers et se plaint encore aujourd'hui de douleurs. " Surtout quand je ris ", explique-t-il.
" Quand les policiers me sont tombés dessus, j'ai eu l'impression d'un déjà vu ", relate le militant en référence à une arrestation similaire qu'il avait subit aux mains de la Gendarmerie Royale du Canada, à la veille de la tenue du Sommet de l'APEC à Vancouver.
Il lui aura fallu attendre sept heures avant de pouvoir parler à son avocat et ce n'est que le lundi suivant, lors de sa comparution qu'il a appris l'ensemble des chefs d'accusation portés contre lui. Il est accusé d'avoir brisé les conditions de libération qui lui avait été imposées lors d'une précédente arrestation — tout aussi arbitraire d'après lui --, d'avoir participé à une émeute et, charge plus grave, d'avoir eu en sa possession une arme dans le but de l'utiliser. L'arme en question serait une catapulte (!) qui, d'après des témoins, a été utilisée lors de la manifestation du samedi pour lancer des animaux en peluches.
Jaggi Singh rejette de revers de la main cette dernière accusation, qu'il juge loufoque. " J'avoue que j'ai été très amusé par la catapulte. Je trouvais que c'était une belle manière de se moquer des mesures de sécurité. Mais ce n'était pas ma catapulte. Tout au plus, ma curiosité m'a poussé à proximité d'elle lors de la marche. "
Quant à l'accusation d'avoir participé à une émeute il ne la comprend quère plus. " Tout ce que j'ai fait pendant cette marche, c'est de m'adresser aux gens de Québec en m'excusant de mon mauvais français pour leur expliquer les enjeux qui amenaient les gens dans la rue. Quand les canons à eau sont arrivés sur le boulevard René-Lévesque, j'ai quitté pour me rendre sur la rue Saint-Jean où se tenait un festival de rue complètement pacifique."
Sur l'accusation de bris de ses conditions, M. Singh soutient qu'elles sont assez floues pour laisser toute la discrétion aux forces de l'ordre pour les interpréter comme bon leur semble.
Pour expliquer sa propre arrestation et celle d'autres militants, Jaggi Singh soupçonne les autorités d'être à la recherche de boucs émissaires. Il fait spécifiquement référence aux accusés du groupe Germinal sur qui pèsent de très graves accusations et qui se sont pour la majorité vu refuser une libération en attente de leur procès.
Militant très actif au sein de la Convergeance des luttes anticapitalistes (CLAC), Jaggi Singh a notamment participé au cours des derniers mois à des tournées de mobilisation au Canada anglais, dans les Maritimes et dans le Nord-Est américain. Au cours du début de la fin de semaine du Sommet des Amériques, son implication s'est à faire quelques discours à la population, à distribuer des dépliants et à animer une Assemblée générale. Il s'apprêtait à partir vers le Sommet des peuples pour y livrer un discours.
" Ils ont du penser que j'étais un dirigeant, un leader, avance-t-il. Pourtant, je suis un militant parmis d'autres. "
La version des faits présentée par le militant a été corroborée par au moins deux témoins interrogés par le CMAQ. Ces mêmes témoins et de nombreux autres décrivent l'activiste originaire de Toronto comme un humaniste et un non-violent. " Je n'ai jamais fait de gestes violents et je n'ai jamais conseillé à personne d'en poser, affirme M. Singh. Personnellement, je choisis des moyens d'action non-violents. "
" Les groupes qui pronent l'utilisation de la force ne trouvent pas Jaggi assez radical à leur goût, parce que justement il est non-violent. ", explique pour sa part Nicolas Phébus, qui connaît bien la mouvance des anarchistes radicaux.
Par ailleurs le groupe qui a amené la catapulte à la manifestation de Québec a expliqué, par voie de communiqué, que M. Singh n'était d'aucune manière lié à leur groupe.
Mercredi le 25 avril, Jaggi Sigh saura s'il devra prolonger son immersion forcée en milieu carcéral québécois.