ENTRETIEN
Des associations culturelles tirent la sonnette d'alarme
Du côté des associations culturelles, cela fait déjà quelque temps que l'on s'inquiète de l'ampleur du phénomène de l'A.M.I., ressenti comme un véritable péril pour la création cinématographique suisse. La réaction d'Andrienne Soutter, présidente de l'Association suisse des amis du Monde diplomatique.
Une clause de l'Accord multilatéral d'investissement (A.M.I.) stipule que chaque pays doit accorder aux investisseurs étrangers les mêmes avantages que ceux consentis aux investisseurs et investissements nationaux. Cela veut-il signifier que l'aide au cinéma suisse serait en partie ouverte au cinéma américain?
Par rapport aux clauses de l'A.M.I., la situation suisse n'est pas très différente de celle de la France. Les conditions que fixent cet accord sont extrêmement dangereuses pour les fonds de soutien à la création cinématographique suisse.
Comment avez-vous été informée du danger que représente l'A.M.I.?
Je me souviens avoir entendu parler de cet accord pour la première fois en janvier 1997. Une Organisation non-gouvernementale américaine avait eu accès aux documents de ce projet aux États-Unis, et s'était empressée de les diffuser pour alerter l'opinion publique. Puis, le 4 décembre dernier, en tant que présidente de l'Association suisse des amis du Monde diplomatique, j'ai été invitée à l'Assemblée nationale française. L'Observatoire de la mondialisation (organisation pluridisciplinaire créée en 1996, suite à l'entrée en vigueur de l'OMC, qui dénonce l'A.M.I. comme un accord scandaleux en faveur des multinationales) y présentait les risques découlant de la signature d'un tel Accord multilatéral. Je ne suis pas une spécialiste en matière de droits d'auteur, mais comme militante et femme de cinéaste, je constate que l'A.M.I. représente une nouvelle attaque, encore plus violente que celle que les États-Unis avaient menée en 1993 dans le cadre du GATT, contre la clause culturelle européenne. Une offensive contre laquelle se mobilisent aujourd'hui les cinéastes français. Mais les milieux culturels ne sont pas seuls à réagir, et les principes de libéralisation totale que tentent d'imposer les différentes réglementations de l'A.M.I. touchent tous les domaines, qu'ils soient culturels ou sociaux.
Comment se positionne le milieu du cinéma suisse et les institutions culturelles sur ce point?
En Suisse, la décision de signature de l'A.M.I. devrait intervenir dans le courant du mois de mai. C'est pourquoi nous avons décidé d'alerter les conseillers fédéraux en leur envoyant une lettre 1 faisant le point sur la gravité de la situation, encore méconnue parmi les institutions culturelles suisses. Nous avons aussi diffusé le plus largement possible, et notamment à la Société suisse de auteurs (SSA), la mise en garde provenant de la SACD, résumant les enjeux de ce nouvel Accord multilatéral. Il est étonnant de constater que, bien que l'échéance de ladite signature se rapproche dangereusement, ce travail d'information ne fait que commencer.
Propos recueillis par Gilles Labarthe
1 Des exemplaires de cette lettre peuvent être obtenus à de l'Association suisse des amis du Monde diplomatique, Mme A. Soutter, 4, St-Victor, 1206 Genève.