En réalité, la majorité des Africains n'ont rien à fêter.
L'Afrique a adhéré à l'OMC en toute bonne foi. Elle considérait cette organisation comme une chance à saisir et un forum où discuter et mettre au point des politiques qui garantiraient son intégration à l'économie mondiale à un rythme correspondant à son niveau de développement, à ses ressources et à sa capacité de production. L'OMC s'est révélée bien différente de ce que l'Afrique attendait. En premier lieu, la procédure de négociations des divers accords demandait une capacité technique, des ressources et une pugnacité dont elle était dépourvue.
En second lieu, bien que l'OMC soit un forum pour les pays membres, les groupements régionaux et les multinationales jouent un rôle clé lorsqu'il s'agit d'influer sur les différentes positions. Malheureusement, l'Afrique n'a ni groupements régionaux puissants, ni multinationales indigènes capables de soutenir ses intérêts.
Le rythme et le programme du processus de libéralisation à l'OMC sont maintenant déterminés par les pays développés, au détriment des pays pauvres dont l'Afrique fait partie.
Le système de règles de l'OMC est incohérent en l'absence de normes sur le développement social, les droits humains et le développement durable. L'Afrique a déjà pu constater que sa participation à l'OMC a créé des barrières tant au développement qu'au commerce et n'a abouti qu'à ouvrir l'économie de ses pays à l'exploitation de leurs ressources et au dumping en matière de biens et de services. La réciprocité promise par les accords de l'OMC reste à démontrer.
Pour un continent comme l'Afrique, il est difficile de séparer le commerce du développement.
A moins que l'OMC ne s'attaque à des problèmes fondamentaux, tels que la misère, la crise de la dette, le développement et l'investissement locaux, le transfert des technologies, la création d'emplois, les investissements étrangers directs et l'autosuffisance alimentaire, elle ne peut être utile à l'Afrique.
A moins que l'OMC ne mette à disposition des ressources pour donner aux Africains les compétences techniques et les capacités de négociation nécessaires, le jeu au sein de l'OMC restera inégal.
A moins que l'OMC ne reconnaisse que les Africains ne se satisfont pas de travailler pour les multinationales, mais sont des personnes capables de produire qui veulent avoir leur mot à dire dans leur économie, qui veulent produire leur nourriture et d'autres biens et services, elle restera à côté de la question en Afrique.
A moins que l'OMC ne cesse d'introduire dans ses débats de nouvelles questions et comprenne que les problèmes actuellement traités dépassent déjà les capacités d'absorption des pays en voie de développement qui ont besoin de temps pour les essayer et les évaluer, elle deviendra l'instrument des multinationales.
En tant que société civile en Afrique, il est inutile que nous blâmions nos gouvernements pour avoir adhéré à l'OMC. Notre stratégie consiste bien plutôt à travailler en collaboration avec eux pour améliorer nos capacités et protéger notre continent d'une exploitation et d'un apauvrissement encore pires. Nous le ferons en partageant nos analyses, en cherchant à influer sur les diverses positions et en mettant au grand jour les désirs de la population.