De Berlin à la Praille, dans le train anti-Evian (30/05/2003)
http://www.tribune.ch/accueil/dossiers/titre_dossier/article/index.php?Page_ID=5340&article_ID=16283CAROLINE STEVAN
Uwe jubile. Cela fait trois mois qu'il prépare l'événement; ça y est, il est à la gare Zoo de Berlin, à bord du "train de la contestation". Etudiant en informatique, Uwe Lorenz fait partie du millier de passagers embarqués mercredi dans les 14 wagons affrétés par Attac Allemagne. Destination Genève, où doit se tenir dimanche la grande manifestation de protestation contre le G8.
"Je ne suis pas contre la globalisation, je la pratique tous les jours, note le jeune homme de 24 ans. Ce qui est inadmissible, c'est que toutes les décisions soient prises par un petit nombre de pays." Et de fustiger encore les Gouvernements qui préfèrent investir dans les armes plutôt que dans la gratuité du système éducatif. Ces revendications d'un monde plus juste, plus égalitaire et plus pacifiste sont partagées par nombre des passagers du convoi spécial. "Nous n'allons évidemment pas bloquer le Sommet mais cette contestation se veut symbolique, il faut montrer que les populations ne sont pas d'accord", souligne Uwe.
Plutôt réalistes, les altermondialistes, visent à éveiller une conscience populaire plus qu'à convaincre les chefs d'Etat de suivre une autre voie. Pour l'heure, ils babillent gaiement dans le train qu'ils ont investi comme s'il avait toujours été leur. Ici un groupe joue aux cartes sur le dos d'une guitare, là un couple somnole dans un compartiment, un peu plus loin, d'autres cassent la croûte... Partout, on discute. L'ambiance est celle d'une colonie de vacances, l'engagement politique en plus. Les wagons ne cessent de se remplir. Le trajet compte 14 arrêts, de Berlin à Fribourg en passant par Hanovre ou Heidelberg. L'accueil est le même dans chaque gare: sifflets, cris et fanions saluent le passage des militants. L'organisation a déboursé plus de 180000 francs pour ce convoi sur mesure. Les passagers, eux, ont payé entre 120 et 240 francs l'aller-retour selon leurs revenus et leur situation.
La majorité des participants semblent avoir moins de 25 ans et une bonne humeur à toute épreuve. Il est 20h00, Uwe boit l'apéro avec son colocataire et rêve de démocratie. Une casquette vissée sur la tête et une paire de lunettes sur le nez, il se réjouit comme un enfant à l'idée du trajet d'abord, du camping plus tard. Originaire d'une petite ville de l'Ouest Rosslau, il n'appartient pas à une famille militante. Sa mère est employée de bureau, son père ingénieur, il les trouve simplement "ennuyeux".
En bus TPG
La conversation est interrompue par des représentants des militants; ils prospectent pour établir une stratégie en cas de blocage à la frontière. Certains en réfèrent à la solidarité et appellent à faire corps contre les autorités. Uwe s'emporte: "La solidarité doit jouer dans les deux sens, si une personne pose problème, c'est à elle de s'effacer afin que le train puisse poursuivre sa route." L'inquiétude semble monter un peu mais la nuit est tombée depuis un moment déjà, chacun essaie de se faire un petit coin pour dormir. Les seuls qui y parviennent pleinement sont sans doute les chanceux des compartiments première classe avec couchettes. Les autres se tournent et se retournent. Uwe regarde dans le vague et grignote des saucisses.
A 5h30, une voix sort des haut-parleurs et invite les voyageurs à coopérer avec la police des frontières qui ne va pas tarder à monter dans le train. Plusieurs dizaines de douaniers, allemands et suisses, embarquent en effet à Fribourg. Deux passagers sont arrêtés à l'arrivée à Bâle, avant d'être relâchés une dizaine de minutes plus tard. Cris de joie et effusions sur les quais: "Nous serons au complet à Genève!" Tout le monde se recouche, soulagé.
Le convoi arrive à Genève, gare de la Praille, vers 10h45. Les passagers quittent leur train pour les bus TPG. Destination, le village Intergalactic d'Annemasse. Les tentes sont montées rapidement et les assiettes tendues pour une soupe de légumes servie à la collectivité. Tout de suite après, la première manif dans les rues d'Annemasse...
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