Genève palissadée devient un dazibao géant (31/05/2003)
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Photo Pascal Frautschi

Qu'elle est engageante la planche jaune fraîchement clouée! Petit florilège de graffitis.

JÉRÔME ESTÈBE

Evidemment, on peut imaginer meilleure opération de séduction touristique. L'étranger qui débarque à Genève ces jours-ci, découvre un centre muet, cadenassé, obturé. Bref, rien de spécialement hospitalier. Mais ce palissage massif réserve tout de même une bonne surprise. Il offre une gigantesque surface aux pensées spontanées, placards rigolos, graffitis politiques et bons mots divers. Il aura ainsi fallu quelques heures pour que la Genève retranchée se transforme en un dazibao géant. Un dazibao photographié avec grand appétit. On n'avait pas vu autant d'objectifs crépitant dans nos rues depuis la neige record de 1989.

Dans cette floraison d'inscriptions sauvages, la contestation anti-G8 occupe évidemment une bonne place. "G8% de réduction pour acheter le monde", lit-on à Bel-Air. Ou encore: "Or noir, or blanc... mais que vaut l'or rouge, le sang des êtres vivants", voire "Les riches jouent au golf, les pauvres ramassent les balles". Certains badinent aussi avec le nom de famille du président américain: "Bush de là", "Tout est bushé" ou "Bush d'égout". Facile certes, mais efficace.

Le "G huître"

Le cocooning sécuritaire, ou "Ghuître", excite évidemment la verve des graffiteurs. Lesquels encouragent à "décoffrer les cerveaux" tout en s'amusant de la "langue de bois". "Qui se cache à ce point doit cacher quelque chose", raille dans les Rues-Basses un bombage à la calligraphié élégante. Ailleurs, les rédacteurs se montrent plus menaçants ("le bois, ça brûle!") ou sévère avec l'esprit municipal: "Genève, t'as l'air con"; "Genève vous accueille les bras ouverts"; "Genève, la ville jaune". Le persiflage sait aussi se montrer poétique à l'occasion. "Couché de soleil sur une banque de l'ombre", a-t-on noté sur une succursale du centre.

Le slogan n'est pourtant pas toujours inspiré. Loin s'en faut. Preuves en sont les mornes "Bourgeois, tu trembles", "Capitalistes enculés" ou "Bush go home". Sans oublier un "Merde à la Suisse" sans grande saveur. A cela, il faut préférer ces charmants graffitis hors sujet. Par exemple ce "J'ai un petit zizi", qu'un quidam a très discrètement noté tout au bas d'une palissade. "Boum boum", lui a-t-on répondu un peu plus loin. Voilà une histoire d'amour qui démarre.

Notons pour finir une apparition et une disparition. La disparition d'abord, celle de la plaque commémorative de la venue de Clinton au restaurant des Armures. Pfuitt! Envolée. L'apparition ensuite, celle d'une multitude de drapeaux arc-en-ciel "Pace" dans les vitrines de commerçants, qui n'avaient pourtant guère manifesté leur pacifisme durant la guerre. Un petit bout de tissu à la place d'une grosse barricade, voilà une économie qui ne se refuse pas.


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