Les victimes vont déposer plainte
Paru le : 4 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_464.htmRÉPRESSION· Les témoignages s'accumulent sur l'usage « injustifié » de la force par la police. Ils mettent en cause les débordements violents des agents allemands.
FABIO LO VERSO
Au moins trois personnes ont reçu des coups de matraque lors de l'irruption de la police, dimanche soir, à l'Usine. L'une d'entre elles, Jacqueline Soohen, une journaliste canadienne de 28 ans, a perdu une dent. Les deux autres ont été blessées à la tête. Le premier est un travailleur bénévole de l'Usine. Le deuxième, Pulika Calzini, un médiactiviste italien qui a offert sa collaboration au réseau Indymedia, annonce le dépôt d'une plainte. Quarante-huit heures après l'intervention, les zones d'ombre qui entourent le bilan de la « descente » commencent à se dissiper.
La police, elle, fait état de cinq victimes, mais elle nie avoir relâché dans la campagne genevoise, durant la nuit, les cinq personnes qu'elle a arrêtées à l'intérieur du bâtiment. Hier, les journalistes, les observateurs du Legal Team et le commandement des forces de l'ordre étaient engagés dans un véritable bal des chiffres (lire ci-dessus). Les témoignages n'ont pas cessé d'affluer dans les permanences juridiques instituées à l'occasion du G8 et dans les rédactions des médias. La récolte d'informations a nécessité plusieurs mises à jour dans le courant de la journée.
« LA ZONE ÉTAIT CALME »
Hormis les récits des victimes de l'Usine, les autres témoignages recueillis par Le Courrier mettent directement en cause la police allemande. Le 1er juin, vers 22 heures, un agent de la « Polizei » fracture le bras d'un volontaire du Legal Team, lui assène un coup de matraque dans le dos et lui arrache le t-shirt mentionnant son appartenance au groupe d'observateurs légaux. « Rien ne justifiait cette brutalité », dénonce la victime. « La zone était calme. La manifestation était concentrée loin de l'endroit où je me trouvais ». L'observateur du Legal Team s'apprête à déposer une plainte auprès du procureur général de Genève. Ce témoignage intéresse de très près la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FILDH), établie à Paris, qui a ouvert une information par le biais de son antenne genevoise sur l'attaque subie par le volontaire genevois.
La rédaction du Courrier a reçu d'autres informations provenant de témoins qui ont déploré les « débordements violents injustifiés » des policiers allemands. Selon plusieurs témoignages, un garçon de 16 ans aurait été frappé à la tête. Il aurait été pris, malgré lui, dans la charge que les robocops verts ont lancée contre la foule, dimanche soir, à la hauteur du boulevard Georges-Favon. Les badauds venus à son secours ont aussitôt appelé une ambulance, mais la jeune victime, prise de panique, craignant peut-être la réaction de ses parents vu l'heure tardive, s'est éloignée sans attendre l'arrivée des soins. Selon bon nombre de témoins, les agents de la Polizei allemande ont continué de « bousculer » sans aucune raison apparente plusieurs « manifestants pacifiques ».
OBSERVATEURS A L'ABRI
L'attitude des policiers allemands a poussé le Legal Team a retirer ses observateurs de la rue et à les abriter dans les locaux de la Maison des associations. « L'agression de l'un de nos membres nous a fait craindre pour la sécurité des volontaires », déclare un porte-parole. Dimanche soir, l'organisation a dû se résoudre à suspendre le service pendant quelques heures. Hier après-midi, le bureau du Legal Team faisait part de toute son « inquiétude » en vue de la manifestation, qui a débuté dans la soirée, pour demander la démission de Micheline Spoerri, conseillère d'État en charge du Département de justice, police et sécurité. La polémique risque de s'étendre, dans les prochains jours, sur l'emploi des forces de l'ordre allemandes. « Ne devaient-elles pas se borner à stationner à l'aéroport? » se demande un observateur. Des réponses devront être fournies.
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