Les Verts ne manifesteront pas avec le FSL
Paru le : 6 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_476.htm

APRÈS G8 · Les Verts estiment que la manifestation prévue ce soir à Genève - interdite par le Conseil d'Etat - est inopportune. Tout le monde n'est pas de cet avis.

MARCO GREGORI/MSI

« L'appel à une manifestation sur la voie publique n'est actuellement pas souhaitable. » Par cette phrase glissée dans un communiqué adressé aux rédactions, mercredi soir, les Verts genevois prennent leur distance à l'égard du Forum social lémanique (FSL). Ce dernier, mercredi après-midi, annonçait son intention d'organiser une manifestation ce soir à 18 h à la plaine de Plainpalais, devant la pierre commémorant les tragiques événements du 9 novembre 1932.

Il s'agit pour le FSL de revendiquer la liberté de manifestation et d'expression, de dénoncer les violences policières de ces derniers jours et les atteintes aux droits des personnes et de réclamer la démission de Micheline Spoerri, cheffe du Département de justice, police et sécurité (lire Le Courrier d'hier). Une triple initiative que les Verts, pourtant membres du FSL, jugent donc peu opportune.

« Si les gens ont envie de manifester, il est bon qu'ils le fassent », prévient pourtant le député écologiste Antonio Hodgers. Il ajoute: « Notre position actuelle est que cette manifestation n'est pas une bonne idée. La population a besoin de calme. Elle ne comprendrait pas qu'il y ait une nouvelle manifestation. » Et quand bien même celle-ci serait pacifique, les citoyens ne sont pas prêts à accepter des perturbations supplémentaires, estiment les Verts. Encore Antonio Hodgers: « Il est juste de critiquer l'action de la police, mais il faut le faire dans un contexte adéquat, qui n'existe pas actuellement. »

« PAS DE RUPTURE »

C'est ce même contexte qui, pour le moment, incite les Verts à se distancer de la gauche, qui a demandé la démission de Micheline Spoerri. « Avant de demander des démissions, il faut tirer un bilan précis des événements qui se sont passés à Genève. Ce n'est pas encore fait », remarque M. Hodgers. Désireux d'éviter tout clash avec le FSL, le député vert précise encore « qu'il n'y a pas de rupture, simplement une divergence de forme ».

Des propos sur la méthode que corrobore Dominique Hausser, président du Parti socialiste genevois. Selon lui, à l'heure actuelle, l'urgence dicte d'autres mesures que celle d'appeler à manifester: « Nous sommes dans une crise institutionnelle majeure, ma priorité consiste à trouver des pistes pour en sortir. » Du coup, à l'égard de la manifestation, les socialistes adoptent la tactique du « ni pour, ni contre »: « On n'ira pas et on n'appelle pas à ne pas manifester. »

De son côté, le Conseil administratif de la Ville de Genève estime que la population « aspire à une légitime tranquillité et à une réflexion sereine », débat qui « ne peut se poursuivre dans la rue et doit s'inscrire dans un autre cadre ». Pour lui, convoquer une nouvelle manifestation est donc « contre-productif ». En revanche, il se met à disposition pour organiser un forum de discussion, nommer une commission d'enquête ou de médiation sur les événements de ces jours afin de trouver des « solutions constructives pour le renforcement de la cohésion sociale ». Les autorités de la « ville de paix » lancent donc un appel solennel dans ce sens « à toutes celles et à tous ceux qui se sentent concernés ».

Permanent de solidaritéS, Pierre Vanek considère au contraire que la manifestation de ce soir, « même si elle ne sera pas très suivie, est nécessaire ». Motif? « Globalement, à Genève, les manifestations se déroulent très bien. A titre personnel, je suis très attaché à cette culture de tolérance entre manifestants et police, qui n'a pas pour tradition de taper. Or, maintenant, des gens ont la trouille de descendre dans la rue. Il est donc important de briser cette psychose et de montrer qu'il est possible de manifester en paix. » Selon le député Vanek, les actions menées à Genève contre le G8 ne peuvent se clorent sur les images de mardi soir.

Pierre Vanek n'oublie pas non plus de relever que, selon lui, le rassemblement de ce soir se justifie également sur le plan politique: « Il faut dénoncer l'état d'exception actuel et il est légitime de demander la démission de Mme Spoerri. »

Mais, au fait, dans quelles conditions ce rassemblement se déroulera-t-il? Hier en fin d'après-midi, la direction de la police a fait savoir qu'aucune demande d'autorisation n'avait été déposée. En conséquence, la manifestation n'est pas autorisée. Mais les autorités ont formellement décidé de l'interdire, hier soir, ce qui implique que la police aura toute latitude pour la disperser.

Le médiateur est satisfait

« Les médiateurs, le Forum social lémanique et les services de police se félicitent du respect des termes du mémorandum d'accord, qui a permis un bon déroulement de la manifestation ». Rédigé lundi 2 juin, le rapport de Peter Arbenz - médiateur entre organisateurs de la grande manifestation de dimanche et les autorités - est dithyrambique. Et pour cause: il se limite aux actions organisées par le Forum social lémanique, à savoir l'imposant défilé dominical, le tribunal de la dette de samedi et les actions de blocage des ponts dimanche à l'aube. Ainsi, l'organisation de ces événements n'a, aux yeux du médiateurs, souffert d'aucun défaut: le parcours négocié de la manifestation a été respecté, le service d'ordre du FSL « a rempli son travail de prévention et de médiation; il s'est largement engagé pour que les consignes d'une action non violente soient respectées ». De même « les locaux ouverts à Uni-Mail ont permis l'organisation de débats et d'ateliers dans une ambiance très calme ». Enfin, « aucun incident n'est à déplorer pendant les actions de blocages. Et la police? Peter Arbenz écrit qu'elle s'est montrée discrète durant le défilé conformément à ce qui était prévu, qu'elle n'a pas « en règle générale » procédé à des contrôles préventifs et a fait appel au FSL ou au Legal team en cas de problèmes. Seulement le rapport ne dit rien sur l'attitude de la police, nettement plus agressive, après le défilé. Pas plus qu'il ne revient sur le fait que les forces de l'ordre devaient protéger, comme indiqué dans le mémorandum d'accord, « les zones interdites de la manifestation, comme la rive droite, les rues basses, ainsi que tout bâtiment et site à risque ». Une mission qui, manifestement, n'a pas été remplie samedi soir 31 mai. MGi


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