La manif contre l'interdiction des rassemblements a eu lieu
Paru le : 7 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_481.htm

POINT D'ORGUE · La manifestation du Forum social lémanique appelant à la démission de Micheline Spoerri - interdite par cette dernière - s'est déroulée sans incident.

MICHEL SCHWERI

« Ceci n'est pas une manifestation », aurait dit Magritte. « Mais un rassemblement », rectifie le Forum social lémanique (FSL). Et qui se déplace!.. Même si elle avait été formellement interdite par les autorités la veille, la mobilisation de vendredi soir du FSL s'est finalement fort bien déroulée. Zéro déprédation et quelques minutes de retard pour un tram sont les seules gênes à signaler. A 18 h, les organisateurs se sont retrouvés à la Pierre de Plainpalais, avec une centaine de personnes et deux officiers de police. Pour calmer le jeu, le FSL voulait appeler les manifestants à se disperser calmement et à se retrouver plus tard à la salle du Faubourg pour tenir une « assemblée populaire » (lire ci-dessous).

En effet, la nouvelle interdiction de tout rassemblement sur le territoire décrétée par le Conseil d'Etat jeudi après-midi - laquelle visait particulièrement le cortège prévu hier soir - avait décidé le FSL à transformer la manifestation prévue en rassemblement temporaire afin de ne pas « suivre la police sur le terrain de la provocation violente ».

Vers 18 h 15, quelque 200 manifestants étaient tout de même présents. Pour protester contre le musellement de la liberté d'expression, bon nombre s'étaient bâillonnés. Ce qui ne les a pas empêchés de crier « Police partout, justice nulle part ».

C'est ainsi qu'Eric Decarro, du FSL, a pu accueillir les participants par un ironique « bienvenue à ce rassemblement interdit ». Il avait lieu afin de « protester » contre l'interdiction de manifester, de « dénoncer les violences policières » et d'« exiger » la démission de la ministre de Justice et police, a-t-il asséné à une foule acquise. Laquelle a répondu par de sonores « Spoerri démission ».

CORTÈGE TOUT DE MÊME

Pour le FSL, l'interdiction de manifester revient à « suspendre les droits démocratiques de tous les citoyens ». « Une première à Genève depuis la Seconde Guerre mondiale », a dénoncé un Decarro en verve, inscrite « dans la protection des dirigeants du G8 et de leurs politiques antisociales ». Leur capitalisme, a encore tonné le syndicaliste, « n'offre aucune perspective d'avenir à l'humanité ».

Le député Pierre Vanek a ensuite précisé que la manifestation n'a pas été annulée par le FSL, « mais bien interdite par les autorités ». Pour les organisateurs, elle n'est donc que « reportée », car les problèmes à son origine demeurent.

Puis, l'appel à se disperser a retenti en stéréo. Tandis que le mégaphone du FSL priait les manifestants de se rendre par petits groupes au Faubourg, celui de la police envoyait sa première sommation. Un « dialogue » courtois même, entre un Pierre Vanek demandant aux manifestants d'écouter le « message » de l'officier et ce dernier invitant la manifestation à « suivre les consignes de ses organisateurs ». Car les dix minutes de tolérance octroyées par la police aux organisateurs pour la dislocation du rassemblement « interdit » étaient écoulées. Il était alors 18 h 26.

La foule tardant à obtempérer, une trentaine de policiers en tenue sont sortis de quatre fourgons et ont marché en ligne vers les manifestants, dont deux ou trois ont été légèrement bousculés. A 18 h 34, la dernière sommation a été prononcée, poussant alors le gros du rassemblement en direction du Faubourg. Dix minutes plus tard, au Rond-Point de Plainpalais, les Legroup fédéraient un « cortège effiloché » gonflant jusqu'à presque 500 personnes sur le boulevard Georges-Favon et suivi à distance par les cars de police. A 19 h, ce petit monde entrait dans la salle du Faubourg. Sans casse, invalidant ainsi les craintes des autorités...

Nouvelle manif dans quinze jours

« La manifestation n'est pas annulée, mais seulement reportée! » Ils étaient encore près de 400 à s'être rendus à la Salle du Faubourg à la suite de la manifestation censée ne pas en être une. Galvanisée, l'assemblée a applaudi à tout rompre à la proposition de remettre le couvert dans quinze jours (la date définitive n'a pas été fixée) par une manifestation devant rassembler « tout ce que la République compte de citoyens attachés au respect des libertés individuelles ». Une réunion d'organisation est convoquée pour mercredi prochain, 20 h, à la Maison des associations. Eric Decarro en a profité pour donner rendez-vous aux manifestants cet automne contre les attaques contre les acquis sociaux et contre la réunion de l'OMC à Cancun début septembre. Auparavant, les organisateurs se sont félicités d'avoir eu « le courage de transgresser l'interdiction de manifester qui [leur] avait été signifiée, pour rétablir le droit et la démocratie dans ce canton » (Eric Decarro). Et ce, même si la décision a été prise sur le « fil du rasoir », compte tenu des risques de subir la répression policière, a indiqué Olivier de Marcellus. Pendant près de deux heures, des intervenants - dont beaucoup de jeunes - se sont succédé au micro pour donner leur avis sur les violences de la police et proposer leurs recettes de résistance active pour contrer le modèle néolibéral. Le climax a été atteint lorsqu'un résistant de la guerre d'Espagne a exhorté la jeunesse à rester mobilisée pour défendre la démocratie et la liberté d'expression. Le vieux camarade a été salué, comme il se doit, aux cris de « no pasaràn ». PCr


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