Quel rôle a joué l'Usine lors du G8? (11/06/2003)
http://www.tribune.ch/accueil/dossiers/titre_dossier/article/index.php?Page_ID=5340&article_ID=16713La police accuse le centre culturel d'avoir abrité des casseurs. Les témoignages divergent.
GUSTAVO KUHN
L'Usine est-elle complice ou victime des casseurs? Une dizaine de jours après qu'un raid de cagoulés a ravagé les vitrines des Rues-Basses, la question reste entière et la polémique très vive. Pour le Parti libéral et pour la police, le centre culturel alternatif "a servi de base arrière aux black blocks". Les responsables des lieux dénoncent cet amalgame et se défendent vigoureusement d'avoir hébergé ces individus. Tout en condamnant fermement la casse gratuite qu'ils considèrent inacceptable.
"Il aurait été suicidaire de notre part d'héberger des casseurs, affirme Florian Faivre au nom de l'Association Usine. Mais la place des Volontaires est publique. Il y a donc de la circulation." Le permanent du centre culturel explique que le lieu n'est pas responsable de ce qui se passe en dehors de ses murs. "Si ces personnes avaient essayé d'entrer, le service d'ordre les en aurait empêchées."
Témoignages divergents
Car une chose semble sûre: le commando est parti de la place des Volontaires et y est revenu après avoir tout détruit sur son passage. Ce qui s'est déroulé par la suite est plus compliqué à établir. D'après des journalistes présents et de nombreux témoignages recueillis, les membres de ce black block se sont défaits de leur accoutrement sur la place et aux abords de celle-ci. Certains se seraient alors mêlés à la foule et d'autres se seraient tout simplement évaporés dans la nature. Mais aucun d'eux n'aurait pénétré dans le bâtiment encore masqué.
Le chef par intérim de la police, Christian Cudré-Mauroux, a, lui, reçu des récits différents de la part d'habitants du voisinage qui auraient observé toute la scène depuis leurs fenêtres. "Ils ont vu des casseurs entrer et sortir équipés de l'Usine", assure-t-il. Mais le chef de la police s'empresse de nuancer: "On peut aisément imaginer que les intérêts des témoins divergent." Pour Christian Cudré-Mauroux, l'amalgame entre l'Usine et la place des Volontaires est un fait avéré. Il la considère comme étant la terrasse du centre culturel. "La question est maintenant de savoir qui a franchi les portes du bâtiment, et dans quelle tenue."
Sur la base des affirmations recueillies par la police, le procureur général a donné l'ordre de perquisitionner les lieux le dimanche 1erjuin. Ce qui a été fait par des inspecteurs déguisés en casseurs. "Nous voulions vérifier s'il n'y avait pas d'équipement dedans, explique Christian Cudré-Mauroux. Mais nous n'avons pas trouvé ce que nous souhaitions."
Le chef de la police évoque tout de même ses doutes sur ce que ses hommes auraient pu dénicher "si les gens d'Indymedia, qui étaient à l'intérieur, n'avaient entravé leur travail". Mais d'après les images que les journalistes alternatifs ont réalisées pendant la descente, et qu'ils ont ensuite montrées à la presse, ils n'ont pas opposé la moindre résistance. Tout juste les agents ont-ils été bloqués par les personnes présentes à l'entrée de l'Usine. Barrage que les policiers ont immédiatement et violemment forcé.
Pourtant, à ce stade de l'enquête, les responsables de l'Usine n'ont pas été entendus par la police.
Accusations libérales
La semaine dernière les libéraux sont montés aux barricades pour soutenir "leur" conseillère d'Etat, Micheline Spoerri. Par la même occasion, ils ont relayé les propos de la présidente du Département de justice, police et sécurité sur la responsabilité de l'Usine. "Nous ne portons pas d'accusation contre les responsables, nuance Olivier Jornot. Mais ils ont laissé leur structure servir de base arrière aux casseurs."
Le président du Parti libéral genevois explique que ses conclusions s'appuyent sur les indications données par le chef de la police et par Micheline Spoerri. "Et d'un point de vue du terreau idéologique, on observe une osmose entre les responsables de l'Usine et les casseurs qu'ils ont abrités", ajoute-t-il. Olivier Jornot précise néanmoins qu'il ne désire pas que l'Usine soit fermée, car il reconnaît que "ce genre de lieu répond à un besoin". Il estime par contre que la Ville devrait mener une réflexion sur le rôle de l'Usine dans cette affaire. "Il faudrait savoir si l'on continue à subventionner l'association sans contrat d'exploitation en laissant ainsi se créer un foyer de contestation."
Patrice Mugny, le tout nouveau conseiller administratif en charge des affaires culturelles, se dit quant à lui tout à fait favorable à l'Usine et accorde la présomption d'innocence aux responsables du lieu. "J'ai toujours dit que je voulais leur renouveler leur convention, explique-t-il." Pour lui, les permanents du centre culturel ne sont pas responsables du fait que les casseurs se soient réunis sur la place. "Si toutefois il s'avérait qu'ils les ont hébergés, ce serait la rupture totale, déclare-t-il. Mais pour cela il faut que l'on me présente de vraies preuves."
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