Le bal gauche-droite bloque un réel débat sur le G8
Paru le : 13 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_502.htmGRAND CONSEIL · La première séance du Grand Conseil entièrement consacrée aux événements du G8 aura montré la faiblesse des règlements de comptes et des discours idéologiques face au besoin de transparence et de vérité.
VIRGINIE POYETTON
Le Conseil d'Etat a tiré, hier, son premier bilan des événements liés à la manifestation anti-G8 lors de l'assemblée du Grand Conseil genevois. A propos de la casse et de la violence, le gouvernement a répété que, en conséquence des débordements des manifestations non autorisées, le droit de manifester serait désormais soumis à un cadre légal strict. L'Exécutif, par la voix de Micheline Spoerri, a dénoncé la « duplicité des diverses composantes du Forum social lémanique ». Par ailleurs, le Conseil d'Etat promet de clarifier, dans un avenir proche, les rôles respectifs des autorités politiques, des députés, de la police et des organisateurs de la manifestation. Finalement, le gouvernement promet d'examiner les questions liées au respect du devoir de réserve de ses fonctionnaires. Des déclarations qui ne suffiront pas à calmer les esprits.
TENSIONS ENTRETENUES
A la faveur d'une nuit très chaude, les députés du Grand Conseil se sont laissé aller à des envolées enflammées. En début de séance, hier, la salle, pleine de 82 députés et d'une trentaine de personnes à la tribune, surveillée par au moins trois policiers en civil, laissait sentir une tension latente. Près de trois quarts d'heure ont été nécessaires pour adopter un ordre du jour, auquel le Parti libéral a vainement tenté d'imposer la primauté de ses motions. Et l'annonce faite par le président du Grand Conseil - « au troisième avertissement, tout le monde est renvoyé dans ses foyers » - laissait augurer d'une suite plus tendue.
S'ensuivit une succession de huit interpellations urgentes sur le Sommet d'Evian et ses annexes, s'étalant de « l'hérésie » du conseiller d'Etat Robert Cramer, dénoncée par la députée libérale Janine Hagmann d'avoir permis l'utilisation de palettes pour la manifestation « Le feu au lac » à la demande expresse du député Jacques Pagan de l'Union démocratique du centre (UDC) de voir le Conseil d'Etat prononcer sa propre démission.
RESPONSABILITÉS REJETÉES
Après ce tour de chauffe, un débat général sur neuf motions et résolutions devait permettre à chacun de déverser son lot d'accusations sur les responsables présumés des débordements de la manifestation anti-G8. L'Entente et l'UDC ont tiré à boulets rouges sur les observateurs parlementaires, les organisateurs et finalement la gauche en général, jugée responsable des entraves au bon fonctionnement de la police. « Les observateurs de gauche ont exploité les événements pour créer le trouble et la confusion », s'emporte le député libéral Michel Halpérin. L'Entente dénonce l'amateurisme des organisateurs de la manifestation. « Ils ont fait des promesses fortes au Conseil d'Etat dont ils n'ont pas évalué la démesure. Comment le Conseil d'Etat s'est-il laissé berner? » demande le député radical Pierre Kunz. Mais la dénonciation ne se limite pas aux observateurs, la gauche toute entière est jugée responsable d'avoir voté la tenue de la manifestation.
De son côté, la gauche réplique en accusant l'attitude inconséquente de la police et de sa supérieure hiérarchique. « Il est totalement irresponsable d'imputer la responsabilité des événements aux altermondialistes. Les problèmes structurels de la police genevoise ne sont pas nouveau », affirme le socialiste Alain Charbonnier. L'accusation n'est que partiellement partagée par le parti des Verts. Antonio Hodgers a rendu hommage à Micheline Spoerri pour avoir axé l'intervention de la police sur la protection de l'intégrité physique des personnes.
Pierre Vanek prend la parole et, sur une critique adressée au président de la Confédération et sa politique de droite dure, la droite scande sa démission. Il est 22 h, le président ordonne une première suspension de séance. Cinq minutes passent et, dans une salle à moitié vide, le député de l'Alliance de gauche reprend son discours en s'attaquant à l'attitude de la droite. Pour lui, la police aurait dû protéger la ville, précisément pour respecter l'accord passé avec le FSL. La casse, selon le député, profite à la droite qui, maintenant, peut prendre les mesures restrictives chères à son credo néolibéral. « L'action du Black Bloc est du pain bénit pour la droite dure », conclut Antonio Hodgers. Ueli Leuenberger, député Vert, en appelle finalement à une enquête parlementaire pour comprendre ce qui s'est réellement passé.
Plus tard, les esprits s'échaufferont encore davantage. L'UDC Pierre Schifferli n'hésitera à menacer de créer des milices privées pour effectuer le travail de la police et le libéral Pierre Weiss d'exiger des poursuites pénales contre les « serpents zapatistes ». A l'heure où nous mettions sous presse, les débats étaient loin d'être terminés. Nous y reviendrons dans notre édition de demain.
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