Communiqué : face aux mensonges médiatiques, des blacks et pinks blocs t émoignent et revendiquent
02/06/03 - un-e participant-e au pink bloc, ainsi qu'un-e participant-e au black bloc anti G8 de Lausanne
Auteur: anonymous ( pink & black )

Manifs anti-G8 à lausanne : face aux mensonges médiatiques, des blacks & pinks témoignent et revendiquent

Ce communiqué a été réalisé par un-e participante au pink bloc et un-e participant-e au black bloc, blocs formés le dimanche 1ier juin 2003 à Lausanne, dans le but de perturber le sommet du G 8 et ses complices.

Attention ! Ce communiqué n'a valeur que de témoignage individuel et subjectif et ne devrait en aucun cas être pris comme une parole collective ou un communiqué du pink and silver bloc ou du black bloc. Il s'emploie notamment à dénoncer un certain nombre de mensonges hystériques des médias et des leaders de la gauche réformiste, ainsi qu'à expliquer les actions menées à Lausanne en les contextualisant et en redonnant les objectifs politiques. Il ne devrait être pris comme une relation exacte et objectif des faits, mais s'efforce dans la mesure du possible de recouper et vérifier différents témoignages individuels.

Le contexte :

Lausanne était avec Genève et Anemasse un des trois points clefs de blocage et de perturbation du G8 : une partie des délégations de divers pays et personnels techniques y étaient logés. D'aut re par, le parcours entre Genève et Evian par Annemasse devait être massivement bloqué par les manifs et il avait donc été décidé d'acheminer un grand nombre des délégués de Genève à Lausanne par la route jusqu'au port d'embarquement d'Ouchy, pointe sud de Lausanne, depuis lequel ils seraient ensuite acheminés en bateau jusqu'à Evian en traversant le lac Leman. Pour ce faire, l'a utoroute entre Genève et Lausanne devait être fermée et n'être utilisée que pour des convois spéciaux et escortés de policiers. La zone sud d'Annemasse bordant Ouchy avait été déclarée zone rouge, barricadée et protégée. Les délégations pouvaient arriver de Genève, et de Lausanne à Ouchy par seulement quelques voies d'accès, en passant soit par l'ouest, soit par le centre, soit p ar l'est de la ville.

Suite aux initiatives des militant-e-s anti-G8 lausannaisEs, deux camps avait été mis en place. L'un, la bourdonette, installé par les autorités, l'autre, le "oulala c'village", un projet ant icapitaliste et antipatriarcal squatté et autogéré sur les plages du lac, avec des structures médicales, indymedia, un espace queer et de la musique. Des actions et manifestations avaient déjà eu lieu tout au long de la semaine précédant l'ouverture du sommet du G8 ainsi que des ateliers de simulation de manifestation, orientés autour des tactiques de blocages non-violents. Contrairement aux manifestations organisées par la gauche institutionelle à Lausanne et réduites à une contestation purement informative et symbolique du G8, les manifestations illégales de bloquage prévues pour le matin s'étaient données en commun des objectifs concrets de perturbation maximale du G8 :

Avec pour une partie des manifestant-e-s, un objectif secondaire :

A Lausanne, il avait été décidé pour ce faire d'utiliser une diversité de tactiques de blocages et d'action et d'avoir différents blocs répartis sur les différentes artères clés de la ville. Ces tactiques devaient être complémentaires, se coordonner au mieux et déjouer la répression en agissant en plusieurs points en même temps.

Il y avait notamment :

L'organisation de ces actions et leur coordination se passaient notamment par des assemblées permettant à tout-e un-e chacun-e de s'intégrer et de s'impliquer dans la réflexion stratégique large. Au delà de cette structure globale décidée de manière ouverte et collective, nous étions bien-sûr dans un cadre fortement écouté et surveillé par la police, et un certain nombre de grou pes affinitaires devaient garder leurs objectifs concrêts secrets afin de se donner une meilleure chance de réussite. A Lausanne semblait présider la volonté de casser les fausses frontières imposées par les médias et partis de gauche entre violence et non-violence, et d'obtenir une grande diversité d'actions dans un respect solidaire des choix de chacun-e. Par ailleurs, il s'agi ssait clairement de cortèges d'action directe, agissant indépendamment des grandes marches citoyennes.

Récit des évènements :

Le dimanche 1ier juin, jour de l'ouverture du sommet, à 6h30 du matin et donc avant l'arrivée des premières délégations, environ deux milles personnes se sont d'abord rejointes à l'ouest de la ville, près du camp de la bourdonnette, avec en tête de cortège, le pink bloc, puis le black bloc. Après un début de marche commune, les deux blocs se sont séparés au rond point d'une des a rrivées de l'autoroute de Genève sur Lausanne. Le pink bloc (environ 1500 personnes) a alors continué sur la ville au son de la samba en longeant les zone jaunes et rouges, pendant que le bla c bloc (environ 500 personnes) bloquait ce rond point en faisant tomber un arbre sur la route à l'aide de tronçonneuses, en démontant des palissades en métal et barrières de sécurité de l'aut oroute et en enflammant des barricades.

Le pink bloc s'était donné comme objectif complémentaire de bloquer les artères Est de la ville menant à l'embarcadère d'Ouchy. Le long de la zone rouge, les forces de police étaient encore a ssez peu nombreuses et semblaient prises au dépourvu et désorientées par cette offensive matinale et décentralisée. Si bien que de manière presque inespérée, il nous fut facile de rejoindre et de bloquer une des principales voies d'accès à Ouchy, ou quelques minutes encore auparavant, passaient des délégations. Le blocage dura un moment et comme à chaque artère le long de notre r oute, des barricades furent érigées par des manifestant-e-s. Répondant aux tentatives de passage à travers un cordon défendant la zone jaune, la police envoya de premiers jets d'eau. Apprenant que le black bloc était repoussé en direction du pink bloc par la police et souhaitant garder une certaine autonomie entre les deux groupes, le cortège se remit en mouvement pour laisser éventuellement ce carrefour aux prochains. Le but était alors d'atteindre la dernière grande artère d'arrivée possible pour les délégations du G8, à l'est de la ville.

A divers moments dans le pink bloc, de rapides réunions de porte-paroles des groupes affinitaires pouvaient être provoquées par n'importe quel groupe et permettaient de prendre des décisions rapides et collectives sur la marche à suivre.

Sur le parcours, des signes amicaux étaient faits aux personnes pendues à leur balcon à cette heure matinale et restées à Lausanne malgré la psychose orchestrée par les médias. Des tracts réa lisés et distribués auparavant à Lausanne s'étaient attachés à dénoncer les mythes sur la violence des manifestant-e-s et à expliquer que les éventuelles destructions étaient ciblées sur des structures capitalistes et politiques et ne visaient ni elles et eux, ni leur maisons.

Toujours aussi peu nombreuses, les forces de police, qui se confrontaient plus en arrière avec le black bloc, commencèrent plusieurs fois à former des débuts de cordons pour bloquer le passag e du pink bloc, mais reculèrent finalement à chaque fois à l'arrivée du cortège. Pendant ce temps, la critical mass semblait bloquer avec succès d'autres voies de circulation. D'autre part, bien en amont sur l'autoroute, un groupe d'une trentaine de personnes s'étaient en chaînées tandis qu'un autre bloquait un pont avec deux personnes ayant passé une corde sur le pont et s'étant pendues en rappel de l'un et l'autre coté de la route. Une technique utilisée déj à plusieurs fois avec succès en Angleterre et qui peut exiger quelques heure de la police pour dégager la voie sans tuer les grimpeur-euses.

Finalement, le pink bloc atteignit le croisement avec l'autoroute Est où cette fois un dispositif policier beaucoup plus important entravait le passage avec des canons à eau, camions militair es, fusils à gaz lacrymogènes et à balle en caoutchouc pointés. La samba continua à jouer face à la police. Mais la tension finit par monter et la police à généreusement asperger le cortège d e grenades lacrymogènes. Divers chemins de retraite furent alors pris à travers bois et le long d'une rivière par certains groupes. Au final, tout le monde se retrouva pour un nouveau blocage de carrefour un peu plus haut, alors qu'une partie du black bloc était pris en sandwich par deux cordons de policiers qui se rapprochaient et gazaient au fur et à mesure. Il fut alors décidé d'aller leur porter secours. Au final, les deux blocs finirent par se retrouver.

Le black bloc, après avoir barricadé le premier rond point, avait décidé de bouger. Sur son parcours, un magasin Adidas, un concessionaire Alfa-romeo, 2 stations Shell et une station BP furen t cassés. Certaines stations-essence contenant de l'alimentation furent pillées, ainsi qu'un Migros (chaîne de supermarchés suisse). A chaque fois, les produits et aliments furent redistribué s à la population aux balcons et entre les manifestant-e-s, ou utilisés comme projectiles quand le contexte s'y prêtait. Les vitrines d'une boucherie furent aussi cassées et une inscription " go vegan" ("devenez végétalien") et "meat is murder" ("la viande est un meurtre") peintes. Une roulotte de chantier fut poussée et retournée en travers de la route pour barrer une voie d'accès. Les panneaux publicitaires et caméras de videosurveillance furent détruits ou utilisés pour faire des barricades. De nombreux slogans politiques furent peints sur les murs. L'hôtel de luxe "royal savoie" où étaient logées des délégations fut attaqué avec des fusées de détresse et des caillous. Des robocops finirent par arriver sur les lieux et jeter des lacrymos et reçurent quelques pavés en retour. Une voiture diplomatique fut cassée. Plusieurs chantiers furent pillés, du matériel récupéré tout le long du parcours et poussé dans de grands container s, une rue dépavée au pied de biche et les pavés disposés dans les containers et caddies. Une barricade enflammée géante à base de palissades de chantier fut érigée et gardée pendant un bon moment au carrefour d'accès à Ouchy. Au moins une personne se hissa en haut d'un trépied de plusieurs mètres érigés par les manifestant-es et destinés à bloquer la circulation. Il est à noter que tout au long de la manifestation, ce bloc ne chercha pratiquement pas la confrontation directe avec la police, ni même à répondre aux charges et jets de lacrymos, mais resta beaucoup plus dans une logique de mouvement. Le black bloc finit par être pris en sandwich sur une route, mais parvint à s'échapper par des chemins de traverse et à rejoindre le pink bloc qui tentait de le secourir.

A ce moment-là, des communications avec les blocages de Genève et Annemasse semblèrent confirmer que le sommet et l'arrivée de pluisieurs délégations, dont la délégation américaine et des groupes de traducteur-euses avaient été rétardés. Il était alors environ dix heures trente, nous avions réussi à longer toute la zone d'accès à Ouchy et l'entousiasme général était à son comble.

Il est évidemment difficile de mesurer l'impact réel des blocages dans un contexte chaotique où les autorités s'étaient fait un point d'honneur à ne pas avouer une certaine impuissance et à ne laisser filtrer aucune perturbation. Néanmoins, il semble très vraisemblable qu'à Lausanne, l'impossibilité de sécuriser la zone d'accès à Ouchy, les différents types de blocages, barricade s et les mouvements constants des blocs rendirent pendant quelques heures très difficile le passage des délégations. Ceci semble avoir été confirmée par les personnes branchées sur les ondes radios de la police.

Au final, avec une coordination sur trois villes et d'autres blocages réussis à Genève et Anemasse, ces actions furent un beau pied de nez à un dispositif de sécurité policière que les organisateurs du G8 et l'Etat suisse voulaient infaillibles — même si les médias préférèrent évidemment ne pas en parler et focaliser l'attention publique ailleurs en racontant n'importe quoi sur les soit-disant "casseurs".

Dès lors, à Lausanne, la police s'employa constamment à repousser à l'extérieur de la ville le pink et le black bloc en gazant systématiquement et en bloquant les autres artères. Le dispositif policier reconduisant le cortège était alors impressionant avec un grand nombre de camions et canons à eau, des policiers anti-émeutes allemand venus en renfort, et des troupes des divers cantons suisses. Le nombre de policiers était plus important que le nombre de manifestant-e-s. Une dernière tentative de se lancer sur l'autoroute fut faite mais repousée. Il était alors aussi beaucoup plus difficile de se concerter et de prendre des décision en grand cortège. Au fur et à mesure, des groupes s'étaient dispersés ou esquivés à divers points, mais une partie du cortège finit par parvenir au campement de la bourdonette qui fut peu à peu encerclé par le s forces de police. Face à cette menace, les 400 personnes présentes se réunirent en cercle, s'assirent et décidèrent qu'au vu du rapport de force, ils et elles ne pouvaient plus faire grand chose à part résister solidairement et sans provoquer de déchaînement de violence de la part de la police. Entouré-e-s par un cordon policier dans un espace restreint, le chef local de la police essaya de diviser les manifestant-e-s en demandant des responsables, puis en disant que soit les gens a cceptaient de venir un par un donner leurs papiers, soit ils venaient tous nous arrêter. Tout ceci lui fut énergiquement refusé par la foule qui essaya de gagner du temps en traduisant tout en 4 langues, en posant un tas de questions bidons et en demandant l'arrivée d'observateurs neutres. Au final, plein de journalistes officiels et indépendants arrivèrent, ainsi que des observateurs agréés et l'équipe légale. Les flics ne pouvaient plus faire n'importe quoi et étaient observés et photographiés sous tous les angles. Au bout d'une heure en plein soleil, les arrestations progressives commencèrent et durèrent environ cinq heures. Tout le monde se tenait, huait la police, lui crachait au visage et de nombreuses personnes s'accrochèrent, se firent traîner et résistèrent au mieux si bien que le rythme des arrestations était extrêmement lent et fastidieux. Pendant ce temps, la police avait interdit la manif officielle qui devait se dérouler l'après-midi, mais les gens se réunirent malgré tout au centre-ville. Et une foule de plusieurs milliers personnes décida de braver l'arrestation vers 16h.

Au bout de cinq heures interminables, l'extraordinaire bonne humeur, solidarité et détermination des personnes encerclées à la bourdonette finit par payer et la police empêtrée dans des problèmes logistiques, et après avoir réussi néanmoins à embarquer une centaine de personnes, abandonna et se retira — sous les cris de joie des restant-e-s. Il semblerait d'une part que la police n'ait pas le droit de détenir plus d'un certain nombre d'heures des personnes sans pouvoir contrôler leurs papiers, et d'autre part que l'arrivée du cortège du centre-ville à la bourdonette ait hâté leur départ.

Vers minuit, la grosse majorité des interpellé-e-s étaient relâché-e-s sans suite, à l'exception d'une dizaine de personnes. D'autre part, l'intervention policière sur le pont d'autoroute bloqué par les deux personnes en rappel faillit se solder par deux meurtres puisque malgré les avertissements des autres militant-e-s présent-e-s sur le pont, un policier vint couper la corde et provoquer la chute de vingt mètres d'une des personnes suspendues, tandis que le brin de corde de l'autre était retenu de justesse. Par un coup de chance miraculeux, il semblerait ce militant n'ait que deux jambes et des vertèbres cassées et ne souffre pas de paralysie.

Dès le lendemain, les médias et politicien-ne-s déversèrent leurs habituels mensonges et s'employèrent à créer des mythes sur ces manifestations et les "casseurs". Mythes qu'il s'agit encore une fois de démonter.

Face aux discours citoyennistes d'Attac, des trotskistes et de toute la gauche institutionelle qui s'est depuis quelques années largement emparée de la dynamique des contre-sommets et l'a déj à fortement neutralisé, il est temps de rétablir quelques vérités :

En guise de conclusion provisoire, beaucoup de gens semblaient tirer un bilan positif de la variété, de la maturité et de l'impact des actions menées à Lausanne. Reste à tirer un bilan à plus long terme de la gestion collective de la répression, de ce que retiendra la population locale de ces manifestations et des éventuels retours négatifs sur les militant-e-s locaux. On peut au ssi tirer un bilan plutôt enthousiasmant des pratiques d'autogestion et de rencontres popularisées par les divers campements de Lausanne et d'Annemasse. On ne peut s'empêcher néanmoins de sou lever des doutes sur le fait de continuer à mener systématiquement ces actions dans le cadre de "contre-sommets" tel que celui du G8. Leur potentiel de surprise, de perturbation, leur faculté à promouvoir de nouvelles idées politiques et un discours radical est le plus souvent menacée. Les dispositifs policiers sont par ailleurs de plus en plus habitués et violents. C'est en ce sens qu'il est primordial de continuer à inventer d'autres formes de convergences, d'actions et d'autogestion, localement et au quotidien. C'est en ce sens aussi qu'il nous faut apprendre à communiquer et expliquer beaucoup plus chacune de nos actions.

Solidarité avec tou-te-s les inculpé-e-s du G8 ! N'oublions pas le travail anti-répression, il doit être maintenant l'affaire de tou-te-s celles et ceux qui étaient présent-e-s à ces manifestations. A bas toutes les prisons ! Ne croyons pas la presse bourgeoise, vivons et diffusons nous-même nos expériences et nos idées ! N'oublions pas de nous amuser et de ne pas trop nous prendre au sérieux !


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