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Un retour sur Prague : Une journée au Convergence Center

From "Courant Alternatif" ocl_relex@hotmail.com
Date Mon, 27 Nov 2000 14:20:58 -0500 (EST)

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Lundi 25 septembre. Arrivée au Convergence Center, friche industrielle un peu en périphérie, mise à la disposition de l'INPEG, qui prépare et coordonne les actions autour du contre-sommet. Depuis samedi nous sommes à Prague. Nous, une fanfare parisienne, le Front musical d'intervention (FMI !) (1). Chaque jour nous sommes intervenus en musique en différents lieux de Prague. A l'Info Center, samedi, au centre de la ville, pour prévenir une menace néo-nazie. Au parc Letna, dimanche midi, pour accompagné une manif de soutien aux Italiens dont le train est bloqué à la frontière. Le soir pour un festival Art et Résistance ; à tout moment dans la rue, dans les trams, le métro... Aujourd'hui nous nous donné rendez-vous au Convergence Center pour préparer la journée de mardi.

Préparer l'encerclement du palais des congrès où se tient le sommet. Beaucoup de monde. Très jeunes pour la plupart.Très déterminés. Des groupes affinitaires se forment un peu partout pour préparer des actions autour de cette journée. Ils discutent, s'entraînent au déroulement des actions, se scindent, se regroupent, selon les affinités. Dans un hall digne de l'atelier des Beaux-Arts de 68, des graphistes, peintres et architectes improvisés partagent pinceaux, peinture, clous et marteaux et confectionnent banderoles, pancartes, marionnettes, chars.

L'imagination est au pouvoir dans toutes les langues d'Europe. Au fond un impressionant staff cuisine concoctent de savoureux plats végétariens dans des marmites géantes surveillés par de patients mitrons et mitrones qui en remuent lentement le contenu avec d'immenses cuillers en bois. Les effluves des épices se mêlent à la peinture. Ailleurs des médecins volontaires improvisent des formations éclair en soins d'urgence, des sensibilisations aux effets des gaz lacrymogènes et du gaz au poivre.

Une vrai ruche d'abeilles fédéralistes. A l'appel de la Caravane anticapitaliste que nous avons accueillie à Paris quelques jours plus tôt, nous formons notre propre groupee affinitaire, francophone, par souci d'efficacité, pour en facilité la souplesse et la mobilité. Nous nous réunissons en cercle entre deux carrés d'herbes pour décider d'une action le matin avant la manifestation centrale. Sont aussi présents des militants d'Alternative libertaire, de Scalp-Reflex, le Speb (Socialisme par en bas), bien stratégiquement disséminés, un Belge venu... vendre des t-shirts du Che, et des individus farouchement " sans titres ". Après une présentation de chacun, nous débattons du choix et de la forme de l'action. Devant la volonté de la majorité des participants de refuser les présences partitaires ostentatoires, la priorité de se fondre dans un collectif uni et déterminé sans étiquette partisane, le choix de l'action directe (non-violente en ce qui concerne notre groupe, consensus minimal respectant les désirs de chacun), les autoritaires, vendeurs de soupe militante et prêcheurs de tout poil, déguisés ou non, se sont vite découragés, se sont retirés d'eux-mêmes de l'action (exit le Speb et le guévariste) et s'en iront défiler sagement derrière leur banderolle, dans le cortège " rose " pour la plupart (il y avait trois cortèges qui étaient chargés d'encercler la conférence, un " rose ", un " bleu ", un " jaune ", chacun, groupe ou individu choisissait de rejoindre celui où il se sentirait le mieux et le plus utile). Le débat avançant, entre séparations et regroupement, nous sommes maintenant une cinquantaine et décidons d'aller bloquer, le lendemain matin, à l'aube, les hôtels où se trouvent les délégués du patronat français. Nous voulions tout d'abord bloquer celui où devait se trouver Fabius mais on venait juste d'apprendre qu'il avait quitter précipitamment Prague de peur de se retrouver coincer comme lors du dernier sommet. Première victoire avant même d'agir ! Nous avons d'autre part choisi de rejoindre ensuite le cortége " jaune " lors de la manif centrale, cortège non partitaire et festif, qui sera ouvert par Ya Basta, le collectif des centres sociaux milanais et ses " Invisibles " et qui sera chargé d'aller bloquer l'accès Nord, le large pont de Nusle. Nous passons aux travaux pratiques et répétons en fanfare et dans la bon humeur notre action de blocage et de résistance non-violente. Après que quelques personnes envoyées en repérage soient revenus avec les ultimes informations utiles, nous tenons une dernière réunion de mise au point de notre groupe qui a encore grossi, et des délégués sont choisis pour nous représenter à la coordination centrale, assemblée générale permanente traduite en plusieurs langues, et proposer d'ajouter cette action aux nombreuses autres initiatives prises par les différents groupes réunis cet après-midi-là.

Belle journée, riche d'échanges et d'émotions montrant l'impressionnante capacité de ces milliers de personnes, venues de toute l'Europe et d'autres continents de s'organiser collectivement, partager les tâches, se préparer aux actions en toute autonomie, en liens horizontaux, limitant les délégations, provisoires, au strict nécessaire technique. Et encourageant pour l'avenir des luttes au vu de l'extrême jeunesse et la maturité politique de beaucoup de participants. La possibilité de se retrouver pour la manifestation centrale dans le cortège de son choix permettait aussi à chacun de manifester, d'exprimer sa révolte selon ses affinités, ses humeurs, ses envies. Chacun a pu trouver sa place et y jouer son rôle au profit de l'efficacité générale. Un bel exemple de fédéralisme et d'apprentissage de la démocratie directe.

Alain

[Extrait de Courant Alternatif]

(1) Front musical d'intervention : http://fmi2.free.fr


Un retour sur Prague 2000 : l'effet Seattle

From "Courant Alternatif" ocl_relex@hotmail.com
Date Mon, 27 Nov 2000 14:19:23 -0500 (EST)

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Les 26 et 27 septembre derniers se tenait à Prague le sommet du FMI (1) et de la Banque Mondiale. Comme encouragées par les événements de ces derniers mois à Seattle ou à Davos, les manifestations de Prague n'ont pas été de celles qui comme l'an passé à Cologne se sont contentées de faire le tour du paté du chien. La répression non plus.

Après Seattle, quand il a été question de l'organisation du sommet du FMI, la plupart des "grandes capitales européennes" ont poliment rejeté l'invitation. Restait à l'un des meilleurs élèves européens du FMI, la république Tchèque, de l'organiser. Les sociaux démocrates, venus aux affaires entre temps, affirme aujourd'hui se mordre les doigts d'avoir tenu cet engagement. En Tchéquie, les événements de la semaine du 26 septembre sont comparés avec ceux qui balayèrent en 1989 le système stalinien. L'événement faisait la une des média depuis plusieurs semaines. 11000 policiers et 5000 militaires se mirent à occuper la ville. Tout ce qui était jeune était au minimum systématiquement longuement fouillé aux frontières. A Prague, l'organisation officielle des manifestations regroupait autour de l'INPEG (2) des sociaux démocrates (?), des ONG, des antifascistes et des libertaires. A Prague, pour la plupart des jeunes anarchistes qui se confrontent régulièrement à la complaisance de la police avec les milices d'extrême-droite skinhead, certaines et certains s'organisent soit autour de ORA Solidarita (anarchistes synthésistes) (3), de la FSA (anarcho-syndicalistes membre de l'AIT) ou de Konfrontace (antifascistes). La Street Party de l'année passé et le dernier rassemblement du 1er mai ont connu des répressions très violentes. L'objectif proclamé par l'INPEG était d'empêcher la sortie des congressistes tant qu'ils et elles n'avaient pas dissous le FMI et la Banque Mondiale ! C'est autour de cet objectif que les 20 000 personnes manifestèrent le mardi 26 septembre. Pris sur le modèle de l'organisation des manifestations de Seattle, la manifestation comportait peu de banderole avec slogans, mais plutôt quelques ustensiles carnavalesques toujours utiles face à la police. La démocratie à l'intérieur des manifestations s'organisait autour des groupes d'affinités allant de trois à plusieurs centaines personnes. Théoriquement, toute décision devait être prise à l'unanimité... Partie de la place Namesti Miru, la manifestation festive se divisait en trois. Les cortèges bleus, jaunes et roses avaient pour but d'encercler le Palais des Congrès où se tenait le sommet. Ce qui fut atteint pendant un bonne partie de l'après-midi. Mais à coups de renforts d'hélicop-tères et surtout de flics et de bidasses, l'ordre bourgeois a péniblement pu continuer. Ci et là, certains groupes d'affinité bloquèrent des hôtels, des spectacles prévus à l'effet de ces nouveaux aristocrates furent annulés et quelques fast food furent rapidement démontés. Mais pendant la nuit, les affrontements avec la police ne furent pas grand chose face à la violence de la police pendant les arrestations et dans les commissariats. Les témoignages recueillis (4) attestent à la fois d'une politique programmée et d'un certain goût des vices autoritaires. Très tôt le lendemain la police encercla la place Namesti Miru, où devait partir une manifestation autorisée. Et jusqu'en fin d'après midi, ni le ministère de l'intérieur ni aucun membre du gouvernement ne répondirent à la presse ; ce fut comme une ambiance de coup d'état policier. Les manifestations qui suivirent, réclamèrent la libération des nombreuses et nombreux prisonnier-e-s (il y eu plus de 900 personnes emprisonnées et 16 inculpations ont été retenues). Les formes démocratiques et la remise en cause de la manifestation traîne savate prises par les manifestations à Prague sont encourageantes pour celles et et ceux qui comme nous ne voulons succomber au spectacle de la contestation (5), même si la question de chercher absolument l'unanimité nous paraît illusoire puisque l'unanimité proclamé est souvent le fruit d'un rapport de force dans le groupe et qu'à la fois elle est perte de temps. Mais loin, des manifestations européennes autoproclamées par quelques bureaucrates syndicaux, la radicalité et le sens de l'organisation des événements de Prague peuvent permettre de redonner quelques couleurs révolutionnaires à celles qui ceux qui veulent tout et qui prendront le reste. Le prochain rendez-vous est fixé à Nice du 5 au 7 décembre.

1. FMI : Fond Monétaire Internationale, outils de gestion avec la Banque Mondiale de la politique colonialiste et capitaliste des pays qui se disent industrialisés pour mieux presser ceux qui doivent l'être.

2. INPEG : Initiative pour une alternative économique à la globalisation.

3. Anarchistes synthésistes : anarchistes qui cherchent à regrouper et à organiser l'ensemble de la "famille" anarchiste.

4. Les témoignages sont recueillis, notamment par mail à bertrandschmitt@yahoo.fr.

5. Voir article sur Millau, Courant Alternatif 102, oct 2000, qu'allons-nous faire dans cette galère ?, p. 11.

Jérôme, Strasbourg
le 29 octobre 2000

[Extrait de Courant Alternatif]

ENCADRE

Souscription pour un doc sur Prague

Un documentaire autours des événements de septembre 2000 à Prague sera disponible pour le début janvier de l'an 2001. Tourné en septembre, ce 52 minutes porte à la fois sur les manifestations contre le FMI et sur la situation des mouvements à Prague. Vous pouvez souscrire en envoyant un chèque de 80 frs (50 frs + port) à Kri Prod, 8, rue de la course 67000 Strasbourg (à l'ordre de Kri Prod) kriprod@free.fr , kriprod.free.fr


Une entrevue sur Prague avec quelqu'un de l'AMP
Date Mon, 16 Oct 2000 14:29:06 -0400

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[Texte piqué sur la liste zlea-l de la CLAC]

Voici un interview qui présente un bilan des mobilisations à Prague. Elle a été réalisée avec un membre d'une organisation suisse très impliquée au sein de l'Action mondiale des peuples contre le libre-échange (AMP).
Louise
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Du 26 au 30 septembre dernier se tenait à Prague le sommet annuel du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Une nouvelle occasion pour les anti-mondialisation capitaliste de faire entendre leur voix dans la rue. Olivier de Marcellus, membre de L'Action populaire contre la mondialisation, était des leurs. Nous lui avons demandé de nous relater les événements lors d'une interview réalisée le 3 octobre dernier.

Qui était à l'origine des protestations de Prague ?

Aussitôt qu'ils ont su que le FMI et la banque mondiale se réunissaient à Prague, le groupe qui avait organisé sur place les Journées d'action mondiale de 98 et 99 a décidé d'organiser quelque chose. Ils ont élargi leur coordination à d'autres groupes sous l'appellation INPEG (Initiative contre la globalisation économique ). Tous étaient d'accord sur le fait qu'il fallait essayer de bloquer le sommet, pas seulement faire une ballade dans la ville. Ils ont ensuite demandé à Action mondiale des peuples d'appeler à une Journée d'action mondiale, afin d'organiser des actions décentralisées partout dans le monde ce jour là..

Comment était organisée la mobilisation ?

L'INPEG avait décidé d'essayer de reprendre le modèle d'organisation de Seattle, c'est-à-dire de manière non hiérarchique, par groupes affinitaires, avec des porte-parole qui se coordonnent, etc. Je trouvais que c'était une super idée, mais je craignais qu'avec leurs moyens, ça soit un peu la caricature. Jamais je n'aurais imaginé que ça marche si bien, d'autant plus qu'ils s'agissaient cette fois de coordonner non seulement les Tchèques mais aussi des milliers de gens venant de partout dans le monde. La participation européenne a été très forte, avec plus de mille personnes de Grèce, autant d'Italie, cinq cents de France, des milliers d'autres d'Angleterre, d'Espagne, d'Allemagne de Finlande et des autres pays de l'Est. Les groupes affinitaires ont extrêmement bien fonctionné, les gens étant organisés pour des tâches spécifiques : transmettre les communications, prendre les vidéos, donner les premiers soins après les gaz, bloquer une zone précise, etc. Les médias indépendants ont été aussi très importants. Grâce au site Indymedia sur internet, on pouvait savoir heure par heure ce qui se passait.

Comment la manifestation s'est-elle déroulée ?

La grande manif convoquée par l'INPEG a eu lieu le mardi 26. Mais d'autres formations, comme Jubilee 2000 ou des syndicats, qui ne voulaient pas entrer dans la logique du blocage, ont appelé à des rassemblements les jours précédents, réunissant notamment 5000 personnes le dimanche. Ce jour-là a aussi eu lieu une manif de fascistes contre la mondialisation, ce qui a fait pas mal monter la tension. Une contre-manif s'est immédiatement mise sur pied, qui a chassé les fascistes à coups de matraque jusqu'à la gare.

Le mardi, près de vingt mille manifestants, de tendances et de pays différents, étaient d'accord de tenter de bloquer le sommet du FMI et de la Bm, mais avec des conceptions très différentes sur la manière de le faire. La manif s'est donc divisée en quatre tronçons. Le premier, composé essentiellement du SWP anglais, voulait faire un tour en ville avant de s'attaquer au centre de convention où le FMI se trouvait. Les Italiens de Ya Basta ont mené le tronçon le plus direct vers le bâtiment, en s'attaquant de front de façon déterminée mais non violente (grâce à leurs tenues de footballeurs américains, casques, etc., aux barrages de police qui leur bloquaient l'accès au pont). Les deux derniers groupes ont approché l'objectif par les côtés avec, au sud-est, un tronçon plus " soft " mené par Reclaim the streets et le comité international de pilotage de l'AMP et au sud-ouest, le " black bloc " des anars (les Polonais et les Tchèques y étaient en nombre), prêts aux affrontements les plus durs avec la police. C'était vraiment de la stratégie militaire et le plus incroyable c'est que ça a marché ! Le périmètre protégé par la police a été passablement repoussé, certains ont même réussi à franchir les barrages. On a aussi réussi à bloquer les délégués à l'intérieur pendant un bon moment. Ils essayaient de les évacuer par métro, mais le couloir jusqu'à la station n'était pas assez large et les premiers à essayer de passer se sont retrouvé sous les pierres et ont battu en retraite! Plusieurs délégués ont été blessés. Après ils ne voulaient plus sortir parce qu'ils avaient la trouille, ils voyaient les barricades en flammes du côté anars, c'était la panique à bord ! (Walden Bello a publié le récit d'un témoin à l'intérieur de l'Assemblée. Eloquent !). Finalement la police a réussi à les faire passer, et on les a vus s'engouffrer dans le métro (fermé au public pour l'occasion) comme des rats. On ne les a pas empêché d'entrer dans Centre de convention, mais on a encore plus perturbé le sommet qu'à Seattle. Ils ont annulé le troisième jour de réunion, en prétendant que ce n'était pas lié aux manifestations.

Le soir, un rassemblement a eu lieu à l'opéra pour empêcher la tenue d'une cérémonie officielle pour les délégués du FMI. Les manifestants ont bloqué toutes les entrées et la cérémonie a été annulée. A la place, les musiciens parisiens du Front musical d'intervention ont donné un super concert de musiques revolutionnaires, alors que les helicoptères passaient impuissants dans le ciel. Une soirée de rêve !

La presse a rapporté d'extrêmes violences de la part des manifestants. Qu'as-tu pu constater sur place ?

Je n'étais pas du côté du " bloc noir ". C'est clair que là les manifestants ont attaqué très dur, mais il n'y a eu aucun blessé grave. Pendant la nuit, il y a effectivement eu de la casse, mais les manifestants ne s'en sont pris qu'aux Mac Do, aux transnationales et aux banques. En fait, c'était beaucoup plus " discipliné " qu'à Genève en 98, les attaques étaient ciblées.

En dehors des manifestations, un contre-sommet était organisé. Comment cela s'est-il passé ?

Le contre-sommet était aussi organisé par INPEG. D'une part, une série d'experts, comme Eric Toussaint, Sylvia Federici, etc., se sont réunis pour débattre de la mondialisation, du FMI et de la Bm. D'autre part, l'AMP a organisé des ateliers au centre de convergence animés par des représentants des mouvements populaires du Sud. Par ailleurs, des ONGs avaient organisé leurs propres rencontres en dehors de la mobilisation INPEG.

Que peut-on dire de la répression policière pendant et surtout après la manifestation ?

Pendant la manif, la police a utilisé des canons à eau, des gaz lacrymogènes, a tiré des balles en caoutchouc, mais visiblement les ordres étaient de garder des positions défensives. Mais à partir de 22h00 les rafles ont commencé. En une heure, ils ont arrêté trois cents personnes. Des dizaines de camionnettes des forces spéciales passaient dans tous les sens. Ils ont vraiment quadrillé la ville. Mille policiers supplémentaires ont été appelés de la campagne pour rejoindre les onze mille déjà sur place. En tout, près de neuf cents personnes ont été arrêtées.

Une fois en tôle, les brutalités ont été inouïes. Jambes, bras et dents cassées, passages à tabac, femmes " fouillées " à répetition par des hommes policiers, obligées à se dénuder et à faire des exercices devant eux, privations d'eau et de nourriture, coups dans les parties génitales des hommes, etc. Trente pour-cent des policiers tchèques votent extrême-droite, les Noirs et les Israéliens ont donc eu un traitement spécial. Une copine du groupe de soutien de l'AMP s'est cassée le bassin et une jambe en essayant de s'échapper du poste de police. A l'hopital le medecin lui a refusé les calmants " pour qu'elle ait la tête claire pour l'interrogatoire de police " ! Quand elle a hurlé pour des calmants une infirmière lui a tordu la jambe cassée pour la faire se taire. Avant d'être renvoyés dans leurs pays, beaucoup d'étrangers sont passés par des camps d'internement destinés aux " mesures de contrainte " tchèques et là les gardiens c'était carrément des skinheads. Il reste officiellement quinze étrangers en prison, mais il y a une soixantaine de " disparus " et les inculpés tchèques risquent très gros.

Comme tu l'as dit, le 26 septembre était aussi l'occasion d'une nouvelle Journée d'action mondiale (JAM). Quels sont les échos des différentes actions organisées dans le monde ?

Cette Journée a dépassé toutes nos espérances. On est passé de 70 villes lors des JAM précédentes à 110 villes cette fois-ci. La nouveauté, c'est aussi que les rapports sur les différentes actions partout dans le monde sont centralisés immédiatement sur le net, sur le site d'Indymedia. Plus de 70 villes, de Warsovie et Moscou, à Bombay, Dhaka, Dakar, Sydney, Capetown et Tel Aviv en passant par l'Amérique du Sud et les villes des Etats-Unis, ont déjà rendu compte de leurs actions sur le site du S26 ou d'Indymedia (www.prague.indymedia.org aussi accessible par la page AMP www.agp.org). Jetez-y un coup d'oueil, c'est génial !

Selon toi, Prague représente-t-il un saut qualitatif dans le processus actuel de lutte contre la mondialisation ?

Du point de vue de l'importance politique, je pense qu'il y a un saut égal de Genève à Seattle et de Seattle à Prague. D'abord, l'organisation d'un événement aussi énorme par groupes affinitaires - qui permet par exemple de faire des manœuvres quasi militaires mais avec une organisation non hiérarchique. C'est une forme de lutte issue de la culture politique anglo-saxonne et c'est la première fois que cela se passe sur le continent européen. Pour nous, un énorme pas en avant. Ensuite, le succès de la mobilisation dans un pays de l'Est est historique. On n'avait pas vu ça depuis 68 ! Malgré le fait qu'on lui assenait depuis six mois que c'était une mobilisation de Hooligans et de terroristes, les tchèques ont massivement participé à la manifestation (moins d'un tiers des personnes arrêtées étaient étrangères). Les habitants nous manifestait d'ailleurs souvent leur soutien depuis les fenêtres et les bus. Enfin, il n'y a plus de doute qu'un nouveau mouvement mondial est lancé. Du Brésil à l'Australie les jeunes reprennent les rues. A Prague même il y avait beaucoup moins d'ONG et de syndicalistes, mais deux fois plus de jeunes pour passer à l'action qu'à Seattle. Je n'ai jamais osé faire de prophéties avant, mais à mon avis, c'est un nouveau 1968. C'est vraiment un cycle international de luttes qui repart. Et en plus, cette fois-ci c'est plus conscient et plus organisé. Il faudra bien profiter de cette occasion !


S26 Prague
S26 Global Action Day