POLITIQUE CULTURELLE
Le cinéma suisse saura-t-il se défendre face à l'A.M.I.?
Malgré l'impact considérable de l'Accord multilatéral sur la culture, les institutions tardent à prendre position...
Quel sera l'impact de l'Accord multilatéral d'investissement (A.M.I.) sur les milieux culturels en Suisse, en particulier sur la création et la production cinématographique suisses ? Difficile d'obtenir pour l'heure une réponse précise et officielle à cette question. "Le dossier qui traite de ce sujet est actuellement en préparation", invoque Mme Hirt, juriste attachée à la section cinéma de l'Office fédéral de la culture. Avant de poursuivre: "Dans le cas où l'Accord serait signé, les nouvelles mesures que préconisent l'A.M.I. pour la Suisse auront en règle générale le même effet qu'en France, si l'on se réfère à la communication de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD, lire l'article ci-dessus)".
REMISES EN CAUSE
A l'instar de ce que l'on affirme du côté de Suissimage (Société suisse pour la gestion des droits d'auteur d'oeuvres audiovisuelles), la présentation et mise en garde contre l'A.M.I. publiée par la SACD semble être devenu un document de référence incontournable. Peut-être un des seuls à faire clairement état de la gravité des conséquences culturelles que supposerait la signature de cet Accord multilatéral. En effet, les dispositions de l'A.M.I. remettent en cause les fondements mêmes de législations actuelles aussi diverses que celles des subventions culturelles, des redevances de copie privée, de la durée de protection des oeuvres. Mais aussi des accords de coopération, des directives communautaires européennes de promotion des cultures, des programmes européens d'aide à la création ou des quotas de production et de diffusion d'oeuvres européennes sur les chaînes télévisées.
Un seul exemple, celui des règlements de coproduction suisse avec le Canada, l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, la France et l'Italie, qui permettent actuellement au cinéma suisse, européen ou francophone de surnager au milieu de la diffusion massive de l'audiovisuel américain sur le marché. La "clause de la nation la plus favorisée" contenue dans l'A.M.I. prévoit que chaque pays doit faire bénéficier les investisseurs étrangers des avantages consentis à des pays tiers. Ce qui revient à dire que le cinéma industriel d'Hollywood, comme investisseur, pourra dorénavant prétendre aux mêmes accords de coproduction, à la même aide à la création et à la même promotion que n'importe quel film d'auteur suisse coproduit avec un pays européen.
Faute de quoi, l'investisseur étranger aura la compétence d'attaquer tout État dont la législation serait contraire à l'A.M.I. Par contre, toujours d'après la SACD, les principes de réciprocité (avantages consentis au cinéma suisse aux États-Unis, par exemple) sont difficiles à cerner, et parfois même inexistants pour des pays hors de l'Union européenne (droit de suite, droit sui generis).
ET L'EXCEPTION CULTURELLE?
"La Suisse pourrait toutefois introduire une liste d'exceptions concernant ces législations", nuance Mme Hirt, sans autre précision. "Mais l'Office fédéral de la culture n'a pas encore pris de position claire à ce sujet, qui incombe au Département des affaires étrangères", poursuit-elle, avant de conclure (en l'absence de Marc Wehrlin, chef de la section cinéma de l'OFC): "Je pense que c'est aux associations culturelles et aux milieux artistiques d'entreprendre un travail d'information sur le sujet".
GLe