Vendredi 22 Mai 1998, ANTI-OMC

Une nouvelle manifestation subit la brutalité policière

L'Action mondiale des peuples a tenté d'entrer au Palais des nations de façon non-violente, mais en a été empêché par la police. Bilan: quelques blessés.

Une nouvelle manifestation non-violente regroupant environ 200personnes a été organisée mercredi dès 13h par l'Action mondiale des peuples (AMP) devant le siège de l'ONU à Genève oò se déroulait la clôture du 50eanniversaire de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Face à un imposant dispositif policier (barrières enchaînées, grand filet d'échafaudage barrant toute la place des Nations, "paniers à salade" en nombre et deux canons à eau), les organisateurs du rassemblement ont d'abord tenu une conférence de presse sous "la chaise" de la place des Nations pour donner la parole à des représentants de mouvements populaires d'autres pays.

Un militant du Mozambique a ainsi rappelé qu'"il n'existe pas de transnationales africaines. On veut utiliser l'Afrique seulement pour ses ressources, nous n'avons rien à célébrer aujourd'hui." Une représentante zapatiste a insisté sur le fait que les peuples n'ont pas été consultés alors que les accords de l'OMC les lèsent systématiquement et violent leurs droits.

ACTION PACIFIQUE

Outre ces interventions rappelant le sens profond de l'opposition à l'OMC, la manifestation du jour visait à affirmer le caractère pacifique des actions de l'AMP tout en mettant en lumière la violence policière. Pour cette démonstration, il était prévu d'essayer de franchir pacifiquement le cordon de police afin de se rendre dans la salle de l'Assemblée générale de l'ONU. Les organisateurs ont moult fois répété au mégaphone que l'action était pacifique: "Nous n'allons pas répondre à la violence policière." Vers 13h20, les manifestants se sont approchés du barrage policier aux cris de "laissez-nous passer", auxquels la sono de la police répliquait par un appel à reculer.

"Nous sommes la démocratie", scandaient les manifestants, ajoutant "on a des choses à leur dire" tandis que la tension montait et que, sous la chaise, les contacts avec le cordon policier se durcissaient. Alors que trois blessés légers étaient retirés de la bousculade, certains manifestants ont tenté de passer à genoux. (voir témoignage ci-dessous). Un des organisateurs, réussissant à sauter par dessus le cordon policier, a été immédiatement arrêté, puis, très rapidement, quatre fumigènes ont éclaté dans la petite foule. Les forces de l'ordre ont alors avancé d'une dizaine de mètres isolant derrière leur rang quelques manifestants qu'ils ont arrêtés sans douceur.

Hormis la première bousculade, l'affrontement n'a duré que quelques minutes, au terme desquelles les manifestants se sont assis sur l'herbe -"afin qu'il n'y ait pas d'erreur sur nos intentions", a déclaré un organisateur- dans l'attente de la libération des sept personnes interpellées.

Le reste de l'après-midi a été consacré à la négociation de ces libérations -effectives vers 15h30- à l'établissement de la liste des témoins des arrestations. Par la suite, d'autres manifestants ont rejoint la place des Nations afin de revendiquer la libération d'autres détenus désirant retourner dans leurs pays.

Michel Schweri

Un manifestant les a accompagné en ambulance à l'hôpital, d'où il est revenu une heure et demie plus tard, certifiant que ces blessés se portaient bien.

De lundi à mercredi, les opposants à l'OMC ont multiplié les actions symboliques. JLP

Témoignage d'une manifestante

"Sous la chaise de la place des Nations, raconte une participante à la manifestation de mercredi midi (voir ci-dessus), nous avons essayé d'avancer. Les premiers tentaient de se faufiler à travers le cordon de policiers. Durant cette première tentative, absolument non-violente, les policiers ont donné des coups de matraque. Certains manifestants se sont mis à saigner, d'autres avaient le souffle coupé, et on les a tiré en arrière. La tactique a alors été d'avancer à quatre pattes, tête baissée vers le sol, tandis que d'autres manifestants nous entouraient et restaient debout. J'étais à quatre pattes, à l'arrière du groupe et nous avons commencé à avancer. Les policiers, qui n'osaient pas au début donner des coups de matraque sur la tête, frappaient avec les mains.

"Puis, tout à coup, ils ont lancé des pétards fumigènes au milieu des manifestants. En ligne, les policiers ont avancé en donnant des coups de matraques et des coups de pieds. A ce moment, ils ont poussé derrière eux la première rangée de manifestants à quatre pattes, dont faisait partie Nicolas, un ami, et Pierre. J'ai vu Nicolas se recroqueviller et rester à terre, le visage contre le sol, et les flics lui donner des coups de pied à la tête, dans les côtes et finalement à la figure. Par la suite, ils l'ont emmené dans une fourgonnette. D'autres personnes ont aussi été arrêtées à ce moment-là."

À L'HÔPITAL

Par la suite, le même témoin raconte qu'elle était à Artamis lorsqu'une fourgonnette de police a relâché les manifestants arrêtés. "Nicolas était complètement défiguré et il avait des marques de strangulation. Il m'a dit qu'il avait perdu connaissance au moment où les policiers l'étranglaient et lui tapaient dessus. Il a repris connaissance devant le fourgon. Les autres étaient moins amochés, mais l'un d'eux m'a raconté que deux policiers le tenaient par les épaules pendant qu'un troisième lui serrait les parties génitales en lui disant: "Tu rigoles plus, hein?"

"Des amis de Nicolas l'ont immédiatement amené à l'hôpital où il a été gardé en observation, après avoir à nouveau perdu connaissance. Il en est ressorti jeudi matin."

DES DOUTES...

Durant cette même manifestation de mercredi devant l'ONU, une militante essayait d'alerter la presse pour témoigner du "tabassage en cours d'une manifestante par quatre flics" mené sur une aile de la place des Nations. Mais la carte de presse n'a pas permis de forcer le cordon policier qui empêchait d'accéder à l'endroit désigné. Un agent de faction a même préféré laisser écrire "que la police interdit d'aller voir ce qui se passe" plutôt que de laisser les curieux regarder pour prouver que ses collègues ne dérapaient pas...

Propos recueillis par SMA

MSi


articles publiés dans Le Courrier - Mai 1998 | www.agp.org