Une permanence veillera sur les droits des manifestants anti-G8
Paru le : 27 mai 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_413.htm

DROITS DE L'HOMME · Une équipe de volontaires pour la défense des droits de tous les manifestants lors du G8 mise sur l'information préventive des citoyens et sur la dénonciation d'éventuelles exactions policières.

CORINNE AUBLANC

Trois numéros de téléphone, une permanence fonctionnelle 24 heures sur 24 et des groupes d'observateurs neutres - les « legal teams » - campés aux abords des points chauds, tels que la gare ou les frontières. Du 28 mai à 14 heures au 3 juin à midi, les manifestants contre le sommet du G8 pourront ainsi bénéficier, tant à Genève que du côté français, d'une structure juridique indépendante 1 mise sur pied dans le but de prévenir - et si besoin est, d'assurer le suivi - d'éventuelles « bavures » policières.

L'objectif? Assurer à tous les manifestants la défense de leurs droits fondamentaux dans le cadre du G8. Que ce soit pendant ou après les manifs. Grâce à une « veille » sur le terrain et par la possibilité donnée aux militants de dénoncer les éventuels dérapages dont ils pourraient être victimes. Un processus mis sur pied à la lumière d'expériences similaires probantes menées à Seattle, à Gênes ou ailleurs.

« Les graves violations des droits de l'homme de la part des forces de l'ordre lors de grandes manifestations ne peuvent plus continuer », martelaient hier des membres de la permanence juridique. D'autant que la quasi-totalité des auteurs de ces violations jouissent jusqu'à aujourd'hui « d'une impunité totale, en toute illégalité ».

BAVURES EN TOUT GENRE

Prague, Göteborg, Barcelone, Gênes... Autant de manifestations émaillées par diverses exactions policières, allant de la détention arbitraire à la mort d'un manifestant 2. Tandis qu'à Genève même, on se souvient qu'en mars dernier, un policier blessait à la tête une syndicaliste par balle marquante, en marge d'une manifestation à la gare de Cornavin. « Ce qui ne rassure pas sur les intentions des forces de l'ordre et sur leur préparation à faire face à un événement comme le G8 », commentaient hier les intervenants.

Pour les raisons évoquées et pour pallier l'absence de structures institutionnelles, une quarantaine de volontaires - juristes ou simples citoyens - se sont mobilisés à Genève, et autant en France voisine, afin de « garantir le droit de manifester et les libertés personnelles », selon les mots de Me Jean-Pierre Garbade.

Concrètement, une permanence juridique, logée dans la Maison des associations, fera le lien entre manifestants et permanence de l'Ordre des avocats et sera ainsi en mesure de fournir la liste des avocats disponibles à toute personne en faisant la demande. Par ailleurs, les équipiers des « legal teams », reconnaissables à leur dossard où seront annotés les numéros de téléphone de la permanence 3, suivront les manifs et seront présents sur les lieux névralgiques en tant que témoins.

PRÉVENTION ET DÉNONCIATION

La permanence genevoise s'est dotée d'une charte qui repose sur quatre principes fondateurs: indépendance complète tant vis-à-vis des autorités que des organisateurs des événements anti-G8; la défense de tous les manifestants sur la base du principe de la présomption d'innocence; la neutralité; la confidentialité des témoignages et des informations recueillis. Tous les membres ont par ailleurs reçu une formation juridique sur le droit des personnes.

Quant aux missions proprement dites, elles comprennent également quatre volets. La prévention, tout d'abord. Il s'agit d'informer les manifestants sur leurs droits civils et politiques. Le fait que ces derniers puissent, le cas échéant, les faire valoir face aux forces de l'ordre permet déjà, au dire des instigateurs de la permanence, « d'éviter de nombreux cas de violation ». Une brochure explicative doit être largement distribuée à cet effet sur les lieux d'accueil des manifestants.

Il s'agira encore de faire pression auprès des forces politiques pour éviter le déploiement de « mesures préventives illégales » à l'encontre des manifestants. Et les intervenants de rappeler au passage que la législation helvétique interdit notamment les refoulements aux frontières sans raison valable, les arrestations « préventives » ou prolongées sans justification, le fichage de manifestants ou encore les expulsions collectives.

Autre tâche: observer les faits et récolter des témoignages - à l'instar de ce qui sera par ailleurs fait par Amnesty International ou par des parlementaires - en vue d'empêcher d'éventuels dérapages policiers, voire d'alimenter de potentielles enquêtes judiciaires qui pourraient être ultérieurement demandées par des manifestants.

Il s'agit enfin de prendre en charge la défense de personnes arrêtées ou accusées. En assurant notamment à celles qui feraient l'objet de poursuites leur défense par un avocat.

La permanence juridique genevoise... une structure qui pourrait bien survivre au sommet d'Evian.
 

1 En France, la permanence juridique est directement reliée au Char-G8, qui organise les manifestations antisommet. Contrairement à la structure genevoise qui a tenu à marquer son indépendance vis-à-vis des organisateurs.
2 Pour mémoire: à Göteborg, en juin 2001, la police tire sur des manifestants avec des balles réelles. Bilan: 3 blessés, 539 arrestations et 63 incarcérations. A Gênes, des opposants au G8 sont passés à tabac en pleine nuit alors qu'ils dorment, et un manifestant de 23 ans a été tué par un policier jugé en « légitime défense ».
3 %022/329 20 69 et 022 329 20 70 pour Genève et, côté français, 0033/450 38 98 21.


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