N30 Quebec
On a fait la fête à l'OMC
Date Thu, 2 Dec 1999
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On a fait la fête à l'OMC
« Politise tes inquiétudes, tu inquiéteras les politiciens »

Le 30 novembre s'ouvrait à Seattle une nouvelle ronde de négociations qui s'étendra vraisemblablement sur 3 ans au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Comme toujours, le but de ces négociations est de libéraliser un peu plus le commerce international. En même temps s'ouvrait partout sur la planète une ronde de mobilisation visant à faire échec aux projets de l'OMC.

Québec ne fut pas en reste et à l'appel d'une coalition ad-hoc de groupes populaires, étudiants et politiques, près de 200 personnes ont manifestés le 30 novembre leur volonté de « mondialiser les résistances ». Ridicule, si on la compare aux dizaines de milliers de personnes qui se sont mobilisés ailleurs (15 000 à Paris, 50 000 à Seattle), pour Québec cette manif est un signe que quelque chose est en train de changer.

D'abord le nombre de personnes mobilisés qui est quand même très respectable pour une manif qui s'est organisée en 10 jours. Ensuite la diversité des groupes présents. Des syndicalistes de la CSN en passant par les étudiant-e-s, les écologistes, les groupes populaires et quelques socialistes, anarchistes et communistes, on avait là une collection de tout ce qui bouge le moindrement dans notre triste capitale. Le format même de la manif détonnait d'avec ce qui se fait d'habitude. En effet plusieurs ont répondu à l'invitation de l'affiche et sont venu déguisés, certains en légume transgénique d'autres en multinationale (!), ce qui n'a pas manqué de colorer énormément le cortège. Sans parler de l'animation qui, au carré d'Youville, c'est fait sous forme de pièce de théâtre caricaturant le discours des maîtres du monde. Bref, une belle manif.

Quelles alternatives?

À lire la « grande » presse, on voit bien que cette mobilisation internationale inquiète de plus en plus les politiciens (surtout en France, pays où les projets de l'OMC ont le plus de chance de dérailler dixit Le Devoir). On peut s'attendre rapidement à une opération de charme tentant de nous vendre les vertus de la mondialisation. L'opération « séduction de l'opinion publique », va cependant de moins en moins de soit (quoi qu'ici, ça marche encore très bien). En effet, plus les gens sont inquiets et plus ces inquiétudes sont politisées, plus il sera difficile de les convaincre des bienfaits de l'action de l'OMC. Une question cependant demeure, et tant qu'elle ne sera pas résolue l'opposition restera sur la défensive, donc facile à contenir : quelles alternatives opposer aux projets de l'OMC?

En France, comme ici, au moins deux propositions tendent à émerger. La première c'est le projet de la Taxe Tobin, défendu mondialement par Le Monde Diplomatique et ici par Attac-Québec. Ce projet consisterait simplement à taxer les mouvements de capitaux. Ces promoteurs font miroiter les sommes gigantesques qu'une telle taxe générerait. Cependant, on ne nous dit toujours pas qui gérerait ces sommes, ce qui est déjà un problème. Un autre problème de dimension étique se pose. En effet accepter la Taxe Tobin, c'est cautionner en quelque sorte la mondialisation et la spéculation. De plus, l'idée voulant que plus les mouvements de capitaux détruisent les économies et les conditions de vies des habitant-e-s de la planète, plus on récupère de fric pour réparer les dégâts, en dégoûte plus d'un.

L'autre proposition qui circule beaucoup consisterait à demander un « contrôle citoyen de l'OMC », bref démocratiser l'institution. C'est bien beau, mais on n'a pas encore commencé à nous expliquer comment un tel contrôle s'exercerait. Surtout que du point de départ, les dits « citoyens » n'ont que peu de contrôle sur leur propre États (et ce sont les États qui siègent à l'OMC). Comment, dans le contexte actuel, peut-on penser imposer quelque chose de plus substantiel que ce qui existe déjà au niveau des États? Au dernières nouvelles, dans les « démocraties » membres de l'OMC, les « citoyens » sont sensé exercer un « contrôle » et pourtant est-ce que cela a jamais empêcher les États de faire le contraire de la volonté populaire? Pourquoi cela serait-il différent avec l'OMC?

Comme le disait l'affiche appelant à la manif du 30 novembre : un autre monde est possible. La question centrale de toute alternative devrait être la question du pouvoir. Le pouvoir que les gens ordinaires n'ont pas sur leur vie en général, sur leur travail, sur l'économie et sur la politique. La lutte contre l'OMC et la mondialisation ne peut pas faire l'économie de la construction d'un projet de société alternatif visant à redonner aux peuples le pouvoir sur leurs destinés. La vérité c'est qu'on ne peut s'opposer à la mondialisation et à des institutions comme l'OMC sans minimalement remettre en question le système économique et politique qui rend possible leur existence. On ne peut critiquer la mondialisation sans critiquer le système capitaliste et on ne peut critiquer l'OMC sans critiquer la démocratie parlementaire et l'État capitaliste.

Groupe anarchiste Émile-Henry
http://www3.sympatico.ca/emile.henry


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