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Un altermondialisme en demi-teinte

par ezm07 Wednesday, Jan. 31, 2007 at 3:30 PM marseille.indymedia.org

Un altermondialisme en demi-teinte
André Linard

AFRIQUE, 30.01.07 (Syfia Belgique) La société civile en Afrique est proportionnellement plus préoccupée par des questions de survie que par la recherche d'un autre monde. C'est en tout cas le constat de certains de ses responsables, à l'occasion d'un Forum social mondial africain qui n'a pas tenu toutes ses promesses.

Le Forum social mondial de Nairobi (Kenya), le premier organisé à part entière en Afrique, n'a pas fait le plein de participants. Le comité d'organisation en attendait 80 000, mais moins de 60 000 sont venus. Au même moment, un certain nombre de dirigeants de cette société civile en Afrique ont confronté leurs points de vue dans un numéro spécial de la revue Alternatives Sud*, où ils donnent une analyse contrastée de son état.

Certains sont enthousiastes. C'est le cas de Demba Moussa Sembélé, Sénégalais et directeur du Forum africain des alternatives. Lui qui se situe clairement dans la mouvance altermondialiste relève que "une société civile panafricaine combative est en phase de bourgeonnement", et que "l'impact de ces luttes est déjà sensible dans les politiques nationales, sous-régionales, voire continentales". Et de citer les syndicats sénégalais ou les associations paysannes comme le Roppa (Réseau des associations paysannes et de producteurs d'Afrique de l'Ouest). Quant au Sénégal, il est devenu, selon lui, "un véritable chaudron social" dont les mouvements se situent "aux avant-postes de la lutte contre les accords de partenariat économique".

Moins contestataire...

Autre pays où "a émergé un large mouvement de protestation": le Niger, explique Mahaman Tidjani Alou, directeur du Laboratoire d'études et de recherches sur les dynamiques sociales, à Niamey. Un mouvement qui, selon lui, est parvenu "à faire du nouvel acteur associatif un interlocuteur valable" pour les autorités. Mais, ajoute-t-il, les préoccupations, ici, ont été très pragmatiques: l'implantation de la démocratie, les mesures fiscales qui ont fait croître le coût de la vie...

Au Cameroun aussi, analyse Yves Alexandre Chouala, politologue à l'Université de Yaoundé II-Soa, la société civile est orientée vers la "suppléance sociale d'un État dont la capacité à fournir des services aux populations s'avère de plus en plus limitée". Tandis qu'en République démocratique du Congo, selon Sylvestre Kambaza, président de la Dynamique des sociétés civiles pour les trois pays des Grands Lacs, la population, vivant dans la misère et abandonnée par les autorités, "a développé divers mécanismes de prise en charge. D'où l'éclosion de multiples associations civiles..." Dans ce pays, la recherche de la paix, puis la préparation des élections, ont absorbé les énergies de la société civile.

Les politologues admettent que la société civile peut, selon les circonstances, jouer soit le rôle de contre-pouvoir contestataire, soit celui de suppléance d'États défaillants dans des secteurs sociaux, comme la santé. Mais ils constatent aussi que chacun a tendance à exclure l'autre: quand on lutte pour sa survie, on se préoccupe moins de changer le système global. Cela semble être plus le cas, proportionnellement, en Afrique que dans les autres continents.

Au Cameroun, précise le professeur Chouala, on assiste certes, en quantité, à "une évolution exponentielle et une densification de la société civile", mais "elle s'affirme davantage comme un lieu de luttes sociales pour la survie quotidienne que pour la transformation des structures", qui reste "aux antipodes d'une démarche de critique et d'interpellation des dirigeants".

L'argent et le pouvoir

Yves Alexandre Chouala va plus loin et parle d'une "instrumentalisation politique et économique par des acteurs en quête de pouvoir et de ressources" et d'un "manque de représentativité et de légitimité". Des termes semblables à ceux de Sylvestre Kambaza, pour qui la société civile congolaise "s'est vue progressivement discréditée dans l'opinion" par l'attrait pour les fonctions politiques dont témoignent certains de ses dirigeants.

Au Nigeria, c'est carrément des "ambiguïtés du mouvement social" que parle Femi Aborisade, pourtant syndicaliste et défenseur des droits humains, qui mentionne un problème récurrent dans différents pays: "la dépendance des Ong dominantes vis-à-vis des fonds d'agences internationales." Comme au Cameroun où, selon le professeur Chouala, les Ong prolifèrent pour capter les fonds accessibles, ce qui ne témoigne en rien de la vitalité de la société civile. Ou encore au Sénégal où, note Demba Moussa Sembélé, "l'un de ces problèmes est le déséquilibre qui existe entre quelques grandes Ong disposant de beaucoup de moyens et jouissant d'une grande visibilité, et la myriade d'organisations travaillant surtout dans le monde rural et à la périphérie des centres urbains".

A suivre ces analyses, l'altermondialisme, présent en Afrique comme ailleurs, y serait plus le fait de quelques figures de proue qu'une tendance largement présente dans le monde associatif. Pourtant, souligne Grâce Lula, présidente de la Ligue des femmes pour le développement et l'éducation à la démocratie, en RD Congo, "si c'est l'élite intellectuelle qui lutte contre la globalisation sans que la masse paysanne suive, ce sera un grand coup d'épée dans l'eau". Selon elle, il faut "créer un mouvement de masse global, impliquant aussi bien le petit peuple que le grand, l'intellectuel comme l'analphabète. De sorte qu'on sente une résistance forte et une alternative contre la globalisation".

* Alternatives Sud, numéro spécial: "État des résistances dans le Sud-2007", éditée par le CETRI (Belgique) et les éditions Syllepse (France), janvier 2007.


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