L'Action mondiale des peuples (AMP) est un réseau international qui s'est inspiré à ses débuts de la lutte zapatiste au Mexique. L'AMP est à l'origine d'événements tels que les Journées d'action mondiale de mai '98 centrées sur Genève, celle du 18 juin 1999 au cours de laquelle une des manifestations a bloqué le centre financier de Londres et celle du 30 novembre 1999, avec notamment la manifestation de Seattle qui a empêché l'ouverture du sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que des centaines d'autres événements moins retentissants. En raison de sa nature diffuse et parce qu'elle n'a ni bureaux, ni compte en banque, ni personnel salarié, le rôle de l'AMP ainsi que ses liens avec ces différents événements restent obscures. Nous espérons que ce résumé clarifiera ces liens et permettra de développer le réseau de l'AMP ainsi que tout le mouvement de résistance positive au capitalisme. (Traduit de l'anglais)
Naissance d'un réseau
mondial de résistance
Le capitalisme sortait vainqueur; on disait que la fin de l'histoire avait sonné - c'était en novembre 1989 et le mur de Berlin venait de tomber. Travelling avant, exactement dix ans plus tard...en novembre 1999. L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), législateur du capitalisme mondial, tente de se réunir dans une ville puant les gaz lacrymogènes et paralysée par des dizaines de milliers de manifestants. Partout, des grafittis annoncent: " N'oublie pas que nous gagnons! " Il est évident que l'histoire a encore un bel avenir...
Ce jour là, que vous ayez été dans les rues de Seattle à esquiver les balles en caoutchouc, en Inde au milieu des centaines de chars à boeufs qui convergeaient vers le barrage de Narmada, à Manille parmi les manifestants syndicalistes, à Londres pris dans les filets d'une opération policière à 3 millions de livres, à Buenos Aires en train de faire des pieds-de-nez à la Bourse ou à Milan pour l'occupation d'un McDonalds, une chose était certaine: à la fin du 20 ème siècle la résistance était devenue aussi transnationale que le capital.
En imposant des politiques de " libre " échange à tous les pays du globe, en sacrifiant tout au profit et à la croissance économique, l'Etat, les entreprises transnationales et leurs gérants - le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (Bm) et l'OMC - créent sans le vouloir une situation dans laquelle les divers mouvements populaires réalisent que leurs combats sont semblables et commencent à chercher ensemble de nouvelles solutions. Mais d'où provient cet extraordinaire mouvement de solidarité?
Ce mouvement mondial n'est pas né dans la brume âcre des gaz lacrymogènes de Seattle mais dans l'humidité de la jungle du Chiapas, au Sud du Mexique, le jour de l'an 1994, soit le jour où entrait en vigueur l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA). Masqués, les armes à la main, deux mille indigènes de différentes communautés des montagnes et des forêts de la région s'étaient alors réunis sous un même slogan: « Ya Basta » - « Ca suffit! ». Leur nom: les zapatistes. L'extraordinaire soulèvement populaire qui allait modifier le paysage de la résistance mondiale avait commencé. Grâce à un vieil ordinateur portable et des intermédiaires qui transportaient les disquettes jusqu'à l'internet, les zapatistes ont réussi à communiquer directement avec le monde en contournant la censure imposée par le gouvernement mexicain. Le discours courageux du soulèvement s'est répandu partout. Les revendications de ces rebelles masqués issus de communautés réduites à la misère n'étaient pas seulement de récupérer leurs propres terres et leurs propres vies, pas plus qu'ils ne faisaient appel à l'aide internationale ou à la solidarité : ils dénonçaient le néolibéralisme, « la peine de mort » que l'ALENA et d'autres accords de libre échange allaient imposer aux peuples indigènes. Ils ne visaient pas la prise du pouvoir mais sa dissolution et lançaient un appel mondial à se joindre au combat contre l'emprise croissante du capital sur nos vies. Leur message était « Ne vous joignez pas à nous - agissez pour vous-mêmes ! »
Ce soulèvement a fait renaître chez des millions de personnes du monde entier la conviction que c'était possible. En 1996, les zapatistes (craignant pourtant que personne ne vienne) ont lancé par e-mail un appel à une rencontre (encuentro) intercontinentale d'activistes et d'intellectuels dans des lieux construits pour l'occasion dans la jungle du Chiapas. Six mille personnes ont répondu présent pour partager leurs histoires et parler de leur combat contre leur ennemi commun: le capitalisme néolibéral. L'année suivante, une nouvelle rencontre zapatiste avait lieu en Espagne où un groupe d'activistes issus de mouvements sociaux de tous les continents ont lancé l'idée d'un réseau capable de lancer des actions communes, notamment contre l'Organisation Mondiale du Commerce :
l'Action mondiale des peuples contre le " libre " échange et l'OMC (AMP). Parmi eux se trouvaient les zapatistes, Movimento Sem Terra, (Mouvement des Paysans Sans Terre brésiliens) et le Karnataka State Farmers Union (KRRS), connu pour leur campagne « cremate Monsanto » qui consistaient à mettre le feu aux cultures génétiquement modifiées. Ce groupe (le premier comité de pilotage de l'AMP, une fonction assurée à tour de rôle) a défini les objectifs et principes d'organisation de ce projet. A savoir: la volonté de contester l'existence même de l'OMC au delà du lobbying et des réformes, l'action directe comme moyen et une philosophie organisationnelle basée sur la décentralisation et l'autonomie.
L'Action mondiale des peuples a vu le jour en février 1998. Pour la première fois les mouvements de base du
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Maintenant âgée de plus de 100 ans, l'activiste Hazel Wolf a vécu la Révolution Russe, la Révolution chinoise et la chute du Mur de Berlin. « Le point commun entre ces événements, est que personne ne savait qu'ils allaient se produire », dit-elle. De par leur nature mêmes, les révolutions semblent pratiquement impossibles jusqu'au moment où elles surviennent.
Pourtant après-coup, elles paraîssent évidentes et même inévitables. Les époques révolutionnaires sont celles où des institutions tyranniques perdent subitement leur légitimité. Il est des ères de convergence, où des processus apparemment séparés se rejoignent et déclenchent des explosions sociales. Il est des instants où l'espoir s'embrase, l'espoir que tout peut être changé - et changé vite. Il est des moments où l'histoire s'accélère.
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Journée d'Action Mondiale du 18 juin 1999: Australie (Melbourne, Sydney, Perth, Adelaide), Buenos Aires, Bengla Desh, Belarus, Brasil, Canada (Calgary, Ottawa, Toronto, Vancouver), Prague, France, Athènes, Italie (Bologna, Milano, Roma, Sienna, Firenze, Ancona), Tel Aviv, Malte, Nepal, Amsterdam, Pakistan, Portugal, Senegal, Séoul, Espagne (la Bourse de Madrid occupée, plus Barcelone, Ovideo, Avilles, Gijon, Asturias, Valencia), Genève (on lave les banques), Zurich, Grande Bretagne (Aberdeen, Ashton Court, Edinburgh, Glasgow, Lancaster, Lincoln, Newbury, la Bourse de Montevidéo>> Etats-Unis (Asheville, Boston, Eugene, Los Angeles, New York, Olympia, Washington D.C.)>> Zimbabwe.... |