ocupan el consulado neerlandes en Dijon (6.3.)
Le dimanche 21 janvier dernier, l'Espace autogéré des Tanneries de Dijon accueillait un colombien et une colombienne du PCN (Processus des Communautés Noires) venu-e-s présenter la situation dramatique de leur pays et de leurs communautés, menacé-e-s par un programme militaire orchestré par les États-Unis avec l'aide de l'Europe : le "Plan Colombia". Vous trouverez ci-dessous le texte d'un 4-pages réalisé par Maloka pour présenter la question, incluant une déclaration du PCN faite à Prague à l'occasion des manifestations contre le FMI et la Banque Mondiale le 26 septembre 2000.
Note : la venue en Europe de ces deux individus du PCN a non seulement pour but d'exposer le danger que représente le Plan Colombie, mais aussi de tisser des liens avec d'autres espaces autogérés, d'autres formes de résistance développées en Europe. Une tournée de conférences-débat a donc été organisée avec des dates dans différentes villes françaises : du 20 au 22 janvier à Dijon, puis à Nantes du 23 au 26, du 27 au 30 à Toulouse, du 31 janvier au 3 février à Lyon et St-Etienne, du 4 au 7 mars à Longo Maï (Forcalquier), le 8 à Montpellier et enfin les 9 et 10 sur le plateau du Larzac (Millau).
Comme il y a peu d'étapes et que c'est une rare occasion de rencontrer ces militant-e-s dans une situation où il est urgent de réagir, nous vous invitons grandement à faire le déplacement.
"Un monde où il y a la place pour beaucoup de mondes"
Les communautés représentées par le réseau Proceso de Communidades Negras (en Colombie comme ailleurs en Amérique Latine) constituent un excellent exemple de ces multiples mondes dont parlent les zapatistes, et qui affirment leur richesse et leur spécificité face à la monoculture sociale et au capitalisme.
Fondées dans la forêt par des esclaves en fuite, la liberté et l'autonomie ont été de ce fait leurs valeurs centrales. (Les communautés de Colombie ont été en fait la première entité politique des Amériques à arracher la reconnaissance de leur autonomie à la couronne espagnole.)
Un groupe de six représentant-e-s du Processus de Communautés Noires de Colombie sera présent en Europe entre la fin janvier et le début mars pour établir des liens avec des interlocuteurs/trices soucieux/ses d'initier un processus de communication et de coopération approfondies entre celles/ceux qui, partout dans le monde, fondent ou veulent fonder des alternatives collectives, autonomes, en réponse au pouvoir économique, politique et culturel du système capitaliste.
Alternatives articulées horizontalement et de manière participative, qui revendiquent et pratiquent le droit à la différence et à l'identité propre; qui retrouvent et renforcent une capacité collective pour l'autogestion et l'auto-organisation, de manière à créer un espace de liberté émancipatrice, s'affranchissant des structures étatiques.
Les camarades du PCN tourneront en Europe avec une palette d'objectifs et d'espoirs diversifiés. D'un côté ils espèrent informer sur leur façon de s'organiser, sur l'histoire de leur résistance, sur les alternatives qu'ils mettent en place. Ils veulent faire connaître leur point de vue sur la situation de la Colombie. Mais ils souhaitent également nouer des relations humaines directes, prendre connaissance des luttes et des pratiques d'organisation européennes, discuter d'interventions communes possibles face au cas concret que constitue le Plan Colombia et en faveur de l'autonomie des communautés noires, indigènes et paysannes.
Les ancêtres des communautés noires leur ont transmis le dicton, "Je suis parce que nous sommes", qui implique qu'une personne n'atteint la liberté que lorsque ses voisins sont libres aussi. Ce principe fut l'un des principes fondateurs de la lutte contre l'esclavage et, ultérieurement, de la construction du PCN. Aujourd'hui, les camarades disent que leur lutte pour la liberté n'avancera que sur la base d'une avancée collective des luttes.
La situation colombienne, bien que déjà consternante, se dégrade quotidiennement avec l'approche d'une intervention militaire de grande échelle appelée Plan Colombia.
Ce Plan est un programme de guerre agencé par le gouvernement des Etats-Unis. Ceux-ci offrent $1,6 milliards en armes (américaines évidemment). L'Europe est sollicité pour apporter $4 milliards en aide "civile" (camps pour les populations déplacées, etc.). La part des colombiens serait de $4 milliards. La Colombie étant déjà hautement endettée, la somme sera prêtée par le Fonds Monétaire International en échange d'un nouveau "plan d'ajustement structurel" (privatisations, etc.)!
En vue de l'application de ce plan, l'armée des Etats-Unis a lancé la construction de nouvelles bases militaires dans toute la région, dont la plus grosse base américaine de toute l'Amérique Latine, à Manta, en Equateur, ainsi que beaucoup d'autres bases dans des pays aussi éloignés que le Salvador.
Les militaires américains ont également reçu l'autorisation du gouvernement hollandais d'utiliser les installations dans les colonies hollandaises de Curaçao et d'Aruba (au large du Venezuela) à des fins militaires.
En outre, sous prétexte de s'attaquer à la production de drogues, ce plan s'appuie sur un usage massif d'armes biologiques, génétiquement modifiées qui vont s'attaquer à la fertilité des terres et rendre l'agriculture vivrière impossible. A noter que cette armada chimique est fournie par le géant de l'industrie chimique Monsanto, fameux inventeurs de l'agent Orange pendant la guerre du Viêt-Nam, du soja génétiquement modifié ou encore du gène Terminator.
On prédit déjà que cela pourrait être le prochain Viêt-nam, une longue et sale guerre dans tous les pays andins. Le prétexte, c'est le narco-trafic. En réalité, il s'agit d'écraser les mouvements populaires qui résistent - souvent avec succès - au programme néo-colonial des transnationales en Colombie, Equateur, Pérou et Bolivie. On veut extirper la guérilla colombienne, bien sûr, mais tout autant les organisations de paysans, indigènes et noirs qui dans les campagnes refusent l'expulsion de leurs terres, la destruction de leurs communautés, cultures et environnement, ainsi que les syndicats de citadins qui refusent la réduction du pouvoir d'achat et des budgets sociaux...
La guerre est déjà là en Colombie. Il ne s'agit que d'intensifier un conflit qui dure depuis 50 ans. L'imposition progressive du modèle libéral a abouti à la plus grave crise économique depuis le début du conflit. Parallèlement, une puissante armée paramilitaire, agissant avec la complicité de l'Etat, s'attaquant quasi exclusivement aux civils, utilise une terreur soigneusement mise en scène - massacres, assassinats sélectifs, tortures et disparitions - pour chasser les habitants des terres convoitées par les gros propriétaires et transnationales (déjà 2 millions de "déplacées"), ceci étant nécessaire, entre autre, à la mise en place des mesures de la Banque Mondiale et du FMI. Il s'agit notamment d'éradiquer toutes formes de résistances, d'achever la destruction de l'autonomie alimentaire et de la petite paysannerie, déjà entamée par la "dérégulation" et le "libre" échange.
Au-delà de la Colombie, les résistances sont vives dans tout le Nord de l'Amérique du Sud. Au Pérou, le dictateur Fujimori est tombé. Au Venezuela, un militaire populiste s'est fait élire à la suite des émeutes spontanées contre le FMI. La Bolivie est sur le fil du rasoir entre insurrection et coup d'Etat. En avril, une révolte populaire de paysans et citadins a chassé la transnationale Baechtel du pays, bloquant ainsi le programme de privatisation (en l'occurrence de l'eau) dicté par la Banque Mondiale. La mobilisation a repris en septembre. Pendant plus de trois semaines les organisations paysannes et les syndicats (notamment d'enseignants) ont bloqué les routes et paralysé le pays, malgré une répression féroce (des dizaines de morts par balles). En Equateur, les mouvements indigènes (CONAIE) et paysans (CONFEUNSSAC) avec des alliés syndicaux (notamment du pétrole) bloquent depuis plus d'une année le programme de privatisation et d'austérité du FMI. En janvier, ils ont même pris brièvement le pouvoir dans un immense soulèvement non-armé.
L'Amérique Latine lutte pour son indépendance et veut librement décider de son avenir. Cependant, grâce à la "guerre contre la drogue" les "conseillers" militaires U.S. sont déjà à pied d'œuvre partout, des militaires de tous ces pays ont déjà reçu leurs diplômes es tortures à "l'Ecole des Amériques" de l'armée yankee et les casernes poussent comme des champignons.
Face à cette grande guerre impériale, l'opposition en Europe et en Amérique du Nord peut jouer un rôle décisif.
"La Colombie est un pays de 37 millions d'habitant-e-s, parmi lesquel-le-s 30%, c'est-à-dire 9,210,000 sont les descendant-e-s noir-e-s d'esclaves africains qui avons, à travers un processus de lutte et de résistance de plus de trois siècles, réussi à gagner notre liberté, nous retranchant dans les montagnes, les vallées et les côtes où le conquistador européen n'est jamais parvenu. Durant des siècles, des noir-e-s libres se sont adaptés à un monde inconnu pour survivre et nous avons ainsi créé notre propre monde, notre propre culture.
Depuis cette période libertaire, l'exclusion et le racisme ont marqué l'attitude des colombien-ne-s envers la population noire. Les ressources que possède notre territoire ont été saccagées par les grandes multinationales. Nous avons connu l'aliénation culturelle, la soumission à des conditions de pauvreté absolue et la négation de tout droit social, économique, politique ou culturel. Ce ne sont là que quelques-unes unes des formes de ladite exclusion.
Aujourd'hui, dans la guerre interne que connaît la Colombie depuis plusieurs décennies, nous avons été condamnés à une extermination muette, imposée par l'Etat et par les groupes économiques. Nos droits individuels et collectifs ont été bafoués (...)
Les espaces desquelles la population est violemment expulsée correspondent aux zones stratégiques de la guerre. Un million de personnes noires ont été déportées ou déracinées des ses terres (au 1er octobre 2000) (...)
Le projet historique du peuple noir possède un enracinement culturel, territorial, environnemental et social. Notre lutte consiste en la défense des territoires où nos ancêtres ont vécu; où nous avons créé et recréé notre culture tout au long de l'histoire de la Colombie et de l'Amérique. Elle exige que la communauté gouverne collectivement; elle veut le renforcement de notre identité et une autonomie selon laquelle nous pourrons déterminer librement de nos propres choix de vie en accord avec nos aspirations et notre identité en tant que peuple. L'état capitaliste de la Colombie a transformé les communautés noires organisées, qui luttent pour la défense du territoire comme choix de vie et pour des principes culturels comme l'identité, en victimes de racisme, de pauvreté, de marginalisation. Nous sommes devenus les objectifs militaires de groupes armés qui défendent des intérêts politiques, fonciers, narcotrafiquants et affairistes.
Ceux-ci visent l'exploitation irrationnelle des ressources minérales, l'anéantissement de la biodiversité, l'établissement de projets touristiques, de routes, de ports et de canaux, d'entreprises agro-industrielles, forestières ou énergétiques...
Depuis l'esclavage, la déportation systématique que nous connaissons actuellement est l'agression la plus criminelle que nous ayons connu, nous le noirs de Colombie et d'Amérique. La déportation est le résultat d'un processus d'intimidation, de massacres. Elle parfait notre invisibilité. Elle scelle la perte de nos terres et de l'accès à nos ressources naturelles. Elle écartèle les familles. Elle anéantit la solidarité, l'amour-propre et le droit à vivre en paix, selon nos traditions, nos coutumes et nos aspirations culturelles.
Le peuple noir exige des acteurs de la guerre en Colombie qu'ils l'excluent du conflit; qu'ils respectent son autonomie et ses droits fondamentaux et qu'ils cessent de combattre sur ses terres. Nous en appelons à la communauté internationale de nous accompagner, de se solidariser avec nous et de lutter avec nous pour consolider, dans ce monde capitaliste, les espaces de vie de la communauté noire, en accord avec les enseignements de nos ancêtres: nos terres sont l'espace où nous pouvons exister et survivre; où se situent nos idéaux et notre histoire, où doit régner la vie et la joie, l'espérance et la liberté."
Processus des Communautés Noires - PCN
Prague, 26 septembre 2000
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