Suite aux nombreux désastres sociaux et économiques déclenchés par son " aide ", la Bm fait de gros efforts pour changer de " look ". Sans pour autant mettre en question les " affaires sérieuses " (gros barrages, appropriation de terres, privatisations, etc.), elle gère aussi des programmes ciblés de " réduction " de la pauvreté provoquée à grande échelle par ses propres politiques. Elle embauche des experts en " développement durable ", féministes, etc., cherchant ainsi à récupérer et intégrer la critique. Certains programmes mettent un point d'honneur à consulter et faire participer les communautés locales, en particulier les femmes. Vus par le petit bout de la lorgnette, ils peuvent paraître assez positifs.
Avec le recul, on constate que :
Reproduction sociale et lutte féministe
dans la nouvelle division internationale du travail
Silvia Federici" ...le développement capitaliste a toujours été non durable à cause de son impact humain. Pour comprendre ce point, il nous suffit d'adopter le point de vue de ceux qui ont été et continuent d'être tués par lui. Le corollaire du capitalisme à sa naissance était le sacrifice d'une grande partie de l'humanité - extermination de masse, production de faim et misère, esclavage, violence et terreur. Sa poursuite implique les mêmes corollaires. " M. Dalla Costa, 1995, Capitalisme et reproduction.
[Féministe de la première heure, mais restée fidèle à la meilleure tradition marxiste d'une analyse se basant sur les conditions matérielles d'existence des gens et des luttes, Sylvia Federici démontre dans ce texte, dont nous reprenons ici des extraits, qu'un féminisme conséquent ne peut faire l'économie d'une critique radicale du capitalisme et de la nouvelle division internationale du travail que celui-ci oppose aux luttes - entre autres des femmes.]
"...Beaucoup de féministes oublient de mentionner que la restructuration de l'économie mondiale est responsable non seulement de la propagation mondiale de la pauvreté, mais aussi de l'émergence d'un nouvel ordre colonial qui accentue les divisions entre femmes, et que c'est ce nouveau colonialisme qui doit être une cible principale des luttes féministes si ce que l'on recherche est véritablement la libération des femmes... C'est pourquoi, même celles qui ont une attitude critique face à l'économie mondialisée et aux politiques des agences internationales telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) se contentent souvent de positions réformistes qui condamnent la discrimination des genres, mais laissent intacts les problèmes structurels liés à l'hégémonie mondiale des relations capitalistes.
Beaucoup de féministes par exemple déplorent la " charge inégale " que l'ajustement structurel et autres programmes d'austérité imposent aux femmes, et recommandent que les agences de développement soient davantage attentives aux besoins des femmes, ou encouragent la " participation " des femmes aux " programmes de développement ". Plus rarement elles s'opposent ouvertement aux programmes euxmêmes, ou aux agences qui les imposent, ou reconnaissent le fait que la pauvreté et l'exploitation économiques sont à travers le monde un destin masculin également. Une autre tendance consiste à penser les problèmes rencontrés par les femmes internationalement en termes de " droits de la personne ", et donc de privilégier la réforme légale comme terrain premier de l'intervention gouvernementale, une approche qui à nouveau omet d'affronter l'ordre économique international et l'exploitation économique sur laquelle il repose. De plus, le discours sur la violence faite aux femmes a généralement porté sur le viol et la violence domestique, suivant en cela la ligne développée aux Nations Unies, tout en ignorant souvent la violence structurelle inhérente à la logique d'accumulation capitaliste : la violence des politiques économiques qui condamne des millions de femmes, d'hommes et d'enfants à la misère, la violence qui accompagne les expropriations territoriales exigées par la Banque Mondiale pour ses " projets de développement " et, non la moindre, la violence des guerres et des programmes anti-insurrectionnels qui, dans les années 80 et 90, ont ensanglanté presque chaque coin du globe et qui représentent l'autre face du développement....
Je vais d'abord montrer que l'économie mondiale et la nou velle division internationale du travail sont enracinées dans la crise de la reproduction sociale qui a été provoquée, dans le tiers monde, par les stratégies adoptées par le capital internatio nal depuis la fin des années 70. Des millions de personnes, en Afrique, en Asie et en Amérique latine ne seraient en effet pas devenues dépendantes de l'économie mondiale pour leur survie si elles n'avaient pas perdu tous leurs moyens de subsistance à la suite d'une guerre ou d'un « ajustement économique ». Deuxièmement, la paupérisation du tiers monde a permis une réorganisation internationale de la reproduction qui transfert du « Nord » au « Sud » une part importante du travail requis pour la reproduction de la main-d'oeuvre utilisée dans les métropoles.
Cela signifie que les femmes du tiers monde sont désormais « intégrées » dans l'économie mondiale comme productrices d'une force de travail qui va être utilisée et « consommée » dans les régions industrialisées du monde, en plus de leur fonction de productrices de biens pour l'exportation. Enfin, je prétends que ces processus ont ouvert une crise dans les politiques féministes du fait qu'ils ont introduit de nouvelles divisions et hiérarchies au sein des femmes, qui consolident les mécanismes de l'exploi tation féminine. C'est là une crise qui doit être considérée comme politiquement prioritaire si le féminisme international des « métropoles » porte réellement un projet de libération des femmes et n'est pas seulement un véhicule pour perpétuer la « rationalisation » de l'ordre économique mondial.