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Pour évaluer les conséquences de la nouvelle division internationale du travail (NDIT) sur la condition des femmes, il est nécessaire de reconsidérer ce que nous entendons par ce concept. La théorie conventionnelle donne une vision partielle des changements qui se sont produits sur ce terrain: la NDIT est généralement identifiée avec la restructuration de la production des marchandises qui a débuté au milieu des années 70, lorsqu'en réponse à l'intensification des conflits liés au travail les entreprises multinationales ont commencé à relocaliser dans les pays en développement une partie de leurs équipements industriels, surtout dans les secteurs à forte intensité de travail comme le textile et l'électronique. La NDIT est ainsi assimilée à la formation de zones de libre-échange - des zones industrielles libres de toute régulation et organisées pour la production orientée vers l'exportation - et à la capacité acquise par les sociétés transnationales de restructurer leurs activités productives sur la base d'une véritable « chaine de montage mondiale » ...
Il est devenu évident que la mise en place de zones de libre-échange ne développe pas par nature les bases industrielles des pays concernés, ni n'a d'effet évident sur l'emploi, alors qu'elle pompe de toute façon les ressources locales . Quant aux femmes employées dans les zones de libre-échange, leurs organisations ont souvent dénoncé le fait que leur travail est une forme de « sous-développement », si ce n'est une forme cachée d'esclavage, tant du point de vue des revenus que des savoir-faire technologiques qu'il leur procure.
[Ces conséquences de la nouvelle division internationale du travail (NDIT) pour les femmes commencent à être connues. Par contre ses effets sur les conditions dans lesquelles les femmes du monde reproduisent la force de travail - les conditions du travail ménager - sont généralement négligés, même par des féministes.] ... Ainsi, la théorie conventionnelle sur la NDIT n'a pratiquement rien à dire sur les changements macroscopiques que l'expansion des relations capitalistes a provoqués dans le domaine de la reproduction de la force de travail et des conditions de reproduction sociale dans le tiers monde. ... On remarque d'abord que l'expansion des relations capitalistes s'appuie, aujourd'hui comme hier (pas moins qu'au temps des " clôtures " anglaises, de la conquista des Amériques ou du commerce d'esclaves transatlantique) sur la séparation des producteurs de leurs moyens de (re)production. Cela signifie que l'économie mondiale est construite sur une restructuration majeure de la reproduction sociale et des relations de classes à travers le monde. Cette restructuration est conçue pour détruire toute activité économique qui n'est pas orientée vers le marché, en commençant par l'agriculture de subsistance. C'est elle qui a mené à la formation, dans toutes les parties du tiers monde, d'un prolétariat privé de tous moyens de reproduction et contraint à dépendre pour sa survie des relations monétaires, quand bien même le plus souvent privé de tout accès à un revenu monétaire.
Telle est la situation qui a été créée par la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) dans une grande partie de l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud, par le biais de la « crise de la dette », des programmes d'ajustement structurel et des politiques de libéralisation économique. Combinés, ces éléments sont le pilier du nouvel ordre économique mondial, précisément parce qu'ils ont privé des millions de gens de tout revenu et moyens de reproduction et les ont forcés à dépendre du marché international du travail et à s'y bagarrer. ....
La crise de la reproduction sociale dans le tiers monde est la conséquence directe des coupes massives dans les dépenses sociales gouvernementales, des dévaluations monétaires à répétition, des blocages de salaires, des politiques de libéralisation et de privatisation, qui constituent le coeur de l'ajustement structurel et du néolibéralisme. A ne pas oublier comme partie intégrante de ces politiques, les continuelles expropriations de terres qui se poursuivent dans beaucoup de régions du Tiers-monde en hommage à la commercialisation de l'agriculture et à la privatisation des relations de propriété du sol, et par la faute de l'institutionnalisation croissante d'un état de guerre endémique. ....
Que l'industrialisation du Tiers-monde est un mythe est aussi prouvé par le fait que, dans les années 80 et 90, le transfert de capital et des industries du Premier au Tiers-monde a été dépassé par le transfert de capital et de travail du Tiers- au Premier monde. ....
La première conséquence de l'appauvrissement auquel la libéralisation économique a condamné le prolétariat du Tiers-monde a été, dans les faits, le démarrage d'un vaste mouvement migratoire du « Sud » vers le « Nord » qui a suivi le transfert de capital causé par le paiement de la dette extérieure. L'envergure de ce phénomène peut être mesuré par le fait que l'envoi d'argent des émigrés représente le deuxième flot monétaire international après les revenus des compagnies pétrolières. Dans certaines parties du Tiers-monde (p. ex. au Mexique), des villages entiers dépendent de lui...
Pour ceux qui ne peuvent pas émigrer, ou qui n'ont pas accès aux revenus envoyés par des émigrés, l'alternative est une vie de privations et de travail difficilement imaginable pour ceux qui vivent dans les pays capitalistes « avancés ». Manque de nourriture, de soins de santé, d'eau potable, d'électricité, d'écoles, de routes praticables, chômage massif, etc. sont maintenant la réalité quotidienne dans la plus grande partie du Tiers-monde. Cette réalité est reflétée par l'éruption constante d'épidémies, la désintégration de la vie familiale , les enfants vivant dans la rue ou travaillant dans des conditions proches de l'esclavage. Cette réalité est aussi démontrée par les luttes intenses, qui prennent souvent la forme d'émeutes, par lesquelles chaque jour, dans les « pays ajustés », la population résiste à la fermeture d'industries locales, au renchérissement des prix des biens de première nécessité et des transports et à la pression financière imposée par le paiement de la dette.
Il doit être possible de convenir, sur la seule base de cette situation, que tout projet féministe qui se concentre exclusivement sur les discriminations sexuelles et qui omet de placer la féminisation de la pauvreté dans le contexte de l'évolution des relations capitalistes est condamné à être non pertinent et/ou à se faire coopter. De plus, au regard de la restructuration que la nouvelle division internationale du travail a introduite dans la sphère de la reproduction, nous voyons clairement que soit le mouvement féministe s'oppose à ce processus, soit il se fait complice de politiques profondément anti-féministes. Car un aspect important de la NDIT est une redistribution internationale du travail de reproduction (tout comme une redistribution de la production) qui non seulement crée des divisions profondes entre les femmes, mais qui renforce aussi les hiérarchies inhérentes à la division sexuelle du travail.
S'il est vrai que les versements envoyés par les émigrants constituent le principal flux monétaire international après les revenus des compagnies pétrolières, alors nous devons conclure que la denrée la plus importante exportée par le Tiers-monde vers le Premier monde aujourd'hui, c'est le travail. En d'autres termes, également dans la phase présente du capitalisme, l'accumulation capitaliste est avant tout l'accumulation des travailleurs, et aujourd'hui. Cela signifie cependant qu'une part significative du travail de reproduction nécessaire à produire les forces de travail en métropole est accomplie par des femmes du Tiers monde. En fait, ce qui se cache derrière l'émigration, c'est un immense " cadeau " de travail domestique. ....
Dans le cours des années 1980 et 1990, d'autres phénomènes se sont produits, qui démontrent la tentative de décharger le travail de reproduction des forces de travail en métropole sur les épaules des femmes du Tiers-monde. Parmi les plus significatifs, nous devons inclure :
Pris dans leur ensemble, ces phénomènes démontrent que la nouvelle division internationale du travail est le véhicule d'un projet politique férocement anti-féministe.... Le caractère anti-féministe de la NDIT est si évident que nous pouvons nous demander dans quelle mesure il est le fruit de la " main invisible " du marché ou d'une planification délibérée comme réponse aux luttes que les femmes ont engagées et dans le tiers monde et dans les métropoles contre la discrimination, le travail non payé et le " sous-développment " sous toutes ses formes. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'en Europe et aux Etats Unis, les féministes doivent s'organiser contre les solutions forcées que la NDIT impose aux femmes et contre la tentative de recolonisation sur laquelle elle repose, lesquelles incluent l' " ajustement structurel ", la politique d'intervention militaire, la prise de pouvoir mondiale par les firmes transnationales. Telles sont les politiques qui inspirent les luttes des mouvements des peuples indigènes de par le monde - luttes qui exigent le retour des terres expropriées, le non-paiement de la dette extérieure et l'abolition de l' " ajustement " et de la privatisation. Ce sont là aussi les politiques des féministes du Tiers-monde qui, depuis des années, nous ont rappelé que le discours sur l'égalité ne peut pas être séparé de la critique du rôle du capital international dans le pillage et la recolonisation de leurs pays, et que les luttes que les femmes mènent quotidiennement pour survivre sont des luttes politiques et des luttes féministes.
Il est à noter que la fonction qu'exercent les ONG métropolitaines face aux femmes du Tiers-monde est en partie une réponse néolibérale à l'affaiblissement du rôle du mari et de l'Etat dans le tiers monde comme superviseurs du travail des femmes... Comme de nombreux hommes ont quitté leurs foyers pour émigrer ou n'ont pas l'argent pour subvenir à leur famille, et comme l'Etat dans la plus grande partie du Tiers-monde a été prié de ne plus subventionner la reproduction sociale, un nouveau régime patriarcal est mis en place qui a pour but de mettre les femmes du Tiers-monde sous le contrôle de la Banque Mondiale, du FMI et des nombreuses organisations qui gèrent les "projets générateurs de revenus" et les programmes d'"aide". Ce nouveau patriarcat s'appuie sur la collaboration de femmes Européennes et Nord Américaines, lesquelles, mes comme de nouveaux missionnaires, sont recrutées pour entraîner les femmes dans les "colonies" à développer les attitudes nécessaires pour s'intégrer dans l'économie mondialisée.
JAM DE PRAGUE: EXTRAIT DES
APPELS CONTINENTAUX DU COMITE
DE PILOTAGE DE L'AMP
PACIFIQUE-SUD...Même s'il semble que le gouvernement de Nouvelle Zélande ait déjà abandonné le contrôle économique du pays aux diktats de la Bm/FMI/OMC, il reste encore beaucoup à perdre, en particulier pour les petites îles du Pacifique. Les rapports récents du gouvernement montrent déjà que la restructuration économique des années 80 a trahi le peuple Maori. Le fossé des inégalités économiques entre Maoris et non-Maoris a continué de se creuser. Le marché des emplois pour les Maoris a été ravagé et les disparités dans le secteur de la santé n'ont pas cessé de s'accroître ; le suicide des jeunes et la santé mentale font l'objet de statistiques alarmantes.
Ces négociations planifieront des libéralisations du commerce par le biais de réglementations gouvernementales, ceci afin de durcir les conditions de prêt aux pays en voie de développement. Concrètement : encore plus de chantages économiques du genre de ceux que nous avons déjà vus commandités lors du Forum Pacifique-Sud par l'OMC/FMI/Bm, et au travers desquels ils imposent leur politique aux petites îles.
...Cet appel exhorte donc aussi toutes les organisations et le peuple du Pacifique à s'unir pour tautoko cette Kaupapa et envoyer un puissant message de résistance à cette nouvelle vague de colonisation mondiale.Foundation for an Independent Aoteoroa and Aoteoroa Educators.