S26 Bulletin  
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ques ne peut se permettre de faire. Internet est contrôlé et dominé par le « Nord » - et plus précisément par les riches du Nord. Vous ne pouvez avoir accès à internet que si vous vivez dans un certain contexte et que vous disposez d'une certaine somme. Nous n'allons pas " nous connecter " avec les gens du Sud par internet -contrairement à ce que les communiqués mythiques envoyés du fin fond de la jungle mexicaine par les Zapatistes grâce à un ordinateur portable pourraient laisser croire- pas plus que nous n'allons répondre aux besoins et désirs des gens de nos régions du Nord grâce à un nombre illimité de listes de discussion par e-mail. Pourquoi? Parce que le système de marché international va polariser de plus en plus les inégalités relatives aux possibilités d'accès à internet et n'acceptera son utilisation militante que dans la mesure où celle-ci ne constitue pas une menace trop importante et n'entrave pas le développement commercial de la technologie. Même s'il était possible de tout organiser par internet, cela ne serait pas souhaitable. Dans le système social actuel, internet est à la communication ce que la voiture est au transport: un moyen utile pour aller d'un point A à un point B, mais qui en fin de compte met le tissu social en pièces.

Evidemment, nous allons continuer à utiliser internet pour échanger les informations et pour contacter d'autres groupes partageant nos aspirations, mais en restant conscients de ses limites et de son évolution soumise aux règles du marché et en parallèle avec des activités qui nous engagent plus sur le plan humain. Un mouvement de base radical fera nécessairement appel à la chaleur réelle des rassemblements humains et aux " coups de gueule " dans la rue afin de mener à bien une véritable révolution des communications sociale et écologique. Et celle-ci ne sera sûrement pas envoyée par E-mail.

L'OMC sous le feu de la gauche et de la droite

Le discours sur la « Mondialisation » peut parfaitement s'inscrire dans la rhétorique du racisme d'extrême droite parce qu'il dénonce un capital international non relié à un lieu particulier comme étant la source des problèmes économiques et sociaux. Une analyse simpliste néglige le rôle du capital local dans le processus d'accumulation et d'exploitation et peut en arriver ainsi à proposer de défendre ce type d'économie contre le capital financier international...

Le discours sur la mondialisation s'accommode aussi facilement avec des théories de « conspiration ». Dès lors, ce ne sont plus les processus de production et l'accumulation de capital qui retiennent l'attention, mais des cercles d'hommes (parfois de femmes) influents qui négocieraient à huis-clos l'avenir du monde...

Même à gauche, une large part du discours sur la mondialisation joue sur les cordes sensibles de l'émotionnel et en particulier sur la peur de la menace que représentent les multinationales pour les ressources vitales de chacun. Cette tendance est particulièrement prononcée dans le cadre de la lutte contre Monsanto et d'autres compagnies de technologie génétique, par exemple.

Une partie de la gauche écologiste considère la menace qui plane sur leurs ressources non tant comme une relation de pouvoir entre groupes sociaux, mais comme la destruction de la Mère Terre par un " monde moderne " à la dérive. Des concepts de gauche comme ceux de l'autogestion et de l'autonomie sont mêlées à des discours sur le régionalisme qui penchent parfois vers le racisme. De même, des critiques progressistes de la technologie reçoivent parfois le soutien de discours réactionnaires, voire fascistes.

Par contre, des analyses précises des processus de mondialisation dans leurs conséquences locales sont des éléments difficiles à intégrer à un discours de droite, sur-tout lorsque, bien ancrées dans la réalité materielle, elles font une évaluation critique de " l'espace public ".

Presque vraie: la réalité virtuelle de l'AMP

Combien, parmi les millions de personnes qui ont participé aux actions menées du 16 au 20 mai 1998, à la journée mondiale d'action du 18 juin, etc., connaissaient vraiment le G8 ou l'OMC? Combien étaient au courant des manifestations qui avaient lieu ailleurs? Combien avaient entendu parler de l'Action mondiale des peuples? Etc.

L'AMP doit une partie de son succès au fait qu'elle donne un nouvel éclairage internationaliste aux mouvements sociaux existants. Pourtant, tôt ou tard, nous allons devoir chercher les moyens de relier véritablement ces mouvements. De ce point de vue, la contribution de l'AMP ne peut pas se mesurer par la somme des manifestations qui semblent avoir un lien entre elles, pas plus que par une simple liste des personnes ou des groupes qui, d'une manière ou d'une autre, ont été en relation avec nous, à travers le comité de pilotage, les conférences, etc.

Pour juger de la contribution de l'AMP, il faut évaluer dans quelle mesure nous parvenons à transformer la qualité des relations entre les mouvements, pour mieux se connaître les uns les autres et pour améliorer nos capacités de mener des actions solidaires et nous soutenir mutuellement. La valeur de l'AMP ne réside pas dans une somme abstraite de différents mouvements, mais dans les communications réelles existant entre mouvements et entre individus et mouvements. Vu sous cet angle, l'AMP n'existe encore qu'à peine.

Plutôt que de rêver d'être le porte-parole mondial de tous ces mouvements, il nous faut travailler à développer et à intensifier les interconnexions concrètes à la base, qu'il s'agisse d'amitiés individuelles, de partage de ressources, d'action communes, d'entraide, de jumelage de mouvements ou autres. Les gens vivent et luttent à une échelle locale. L'échelle mondiale, ils la conçoivent toujours de là où ils se trouvent. Il n'existe aucun centre, nulle part, qui puisse espérer organiser et gérer tous ces liens mutuels qui se renforcent. Les forêts se développent sans que personne ne leur dise comment faire.

D'autres réflexions (en anglais) sur le J18 à l'adresse suivante:
www.infoshop.org/octo/j18_reflections.html

JAM DE PRAGUE: EXTRAITS DES APPELS CONTINENTAUX DU COMITE DE PILOTAGE DE L'AMP

AMERIQUE LATINE
... La mondialisation est le nouveau nom donné à la sauvagerie capitaliste et aux pillages qui commencèrent pour nos peuples en 1492, assassinant des millions de peuples indigènes et transformant les noirs en marchandise. C'est elle qui a amené la misère dans les campagnes, la destruction croissante de l'environnement et des éco-systèmes, le déplacement des populations vers les villes et les terres moins fertiles, le renversement des reformes agraires, la privatisation et détérioration des services publiques et de l'eau, l'aggravation du chômage, la flexibilisation de formes de travail, la transformation des services publics, des biens communs, du savoir traditionnel et des modes de vie de nos peuples en marchandises pour le capital.

.... L'Amérique Latine a une longue histoire de résistance à toutes les formes de sauvagerie et de domination. Aujourd'hui, nous sommes appelés à unir nos luttes et actions contre l'ennemi commun de nos peuples. Des villes, champs et forêts, villages et voisinages, usines et bureaux, des maisons, des rues et des fermes, les voix et les actions de tous les latino-américains qui veulent un futur pour leurs fils et leurs filles se feront toujours plus fortes - des voix et des actions nés dans la dignité et de la longue histoire de rébellion de nos peuples.Movimiento de la Juventud Kuna, Panama ; Confederacion Unica Nacional de Afiliados al Seguro social Campesino - Coordinadora Nacional Campesino, Ecuador ; Federacion Nacional del Traba jo, Nicaragua ; Organizacion Negra Centroamericana, Honduras. Comité de pilotage de l'AMP pour l'Amérique Latine.

L'OMC est-elle vraiment l'ennemi suprême?

(Extrait d'un tract distribué à la manifestation de Londres pour N30)

Le capitalisme ne sera pas détruit par des actions isolées, aussi enthousiastes soient-elles. Il faudra un mouvement social à long terme de millions de personnes et il faudra que nous réfléchissions bien à ce que nous faisons, à la nature de notre ennemi et à quelles forces nous pouvons lui opposer.

Le concept de mondialisation est utilisé autant par les opposants de l'ordre mondial actuel que par ses défenseurs, mais cette idée peut se révéler trompeuse.

Il ne s'agit pas de l'affaiblissement de bons Etats démocratiques au profit de mauvaises multinationales échappant à tout contrôle. Ce sont les Etats démocratiques eux-mêmes, de concert avec les transnationales, qui mettent

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Si vous croyez que vous êtes trop petit pour avoir de l'influence, essayez de dormir avec un moustique.